La diversité des céréales, des métiers, des usages

Si les champs donnent parfois l’impression d’une certaine uniformité, l’œil averti saura repérer les différentes espèces de céréales – et l’œil expert saura même différencier les variétés ! Depuis plusieurs millénaires, les céréales n’ont cessé de se diversifier. Elles se sont enrichies et croisées, en particulier grâce à la domestication par l’homme. Les échanges commerciaux, la sélection moderne et la multiplication des attentes et des usages ont contribué à accélérer les croisements et la biodiversité variétale.

Des variétés productives, adaptées aux usages divers et à une agriculture durable

Les principales espèces de céréales à paille cultivée en France sont les blés tendres et durs, l’orge, le triticale. Auxquelles il faut ajouter le seigle, l’avoine, l’épeautre… « Entre les variétés ancestrales et celles d’aujourd’hui, un véritable travail de sélection, souvent visible à l’œil nu, s’est opéré ! La sélection est un processus lent, difficile, qui s’inscrit dans le temps. Pour obtenir aujourd’hui une nouvelle variété de céréale, il faut compter entre huit et dix ans de travail », indique Laurent Druesne, chef de marché régional céréales à pailles pour RAGT Semences, obtenteur majeur. Les axes de sélection sont multiples pour les céréales, et peuvent être regroupés en trois grandes catégories. Le premier objectif concerne le volume de production, l’amélioration du rendement. La population de la planète augmente : les besoins en céréales ne feront que croître. Le second point concerne la question environnementale : il faut des variétés productives, mais avec des critères de régularité, d’homogénéité, notamment concernant la résistance aux maladies. Les cultures doivent aussi toujours mieux valoriser les intrants (en particulier l’azote et le phosphore). « Le troisième et dernier axe concerne la valorisation économique des récoltes, la réponse adéquate aux attentes des marchés : des variétés d’orge adaptées à la brasserie, l’amélioration de la valeur technologique des blés durs afin de fabriquer de la semoule et des pâtes, et enfin pour le blé tendre, un travail avec les meuniers, les fabricants d’alimentation animale, l’export et les amidonniers », poursuit le spécialiste.

A chaque espèce ses qualités et ses utilisations

Le blé tendre est la céréale la plus cultivée en France. Il donne la farine de froment, blanche ou complète. Les semenciers s’efforcent de développer des variétés productives, qui répondent aux contraintes environnementales de chaque région et aux attentes des différents marchés. Le blé dur est une espèce originaire du bassin méditerranéen et résistante à la sécheresse. En France, il sert exclusivement à la fabrication des pâtes, du couscous et de la semoule ! « Lorsque vous mangez des pâtes, sachez que derrière il y a le travail de l’industriel, et encore en amont le patient travail du sélectionneur pour adapter les variétés aux attentes des mangeurs ! », indique Laurent Druesne. L’orge, une des plus anciennes céréales cultivées, sert à l’alimentation animale et à la fabrication de la bière et du whisky, mais il est parfois consommé par les hommes tel quel, comme du riz. Un travail de concertation se fait donc avec les malteurs et les brasseurs, ainsi qu’avec les consommateurs finaux. Le triticale est un croisement entre le seigle et le blé. C’est une céréale assez répandue en France, robuste. Beaucoup cultivée en agriculture biologique, elle est capable de produire du grain et de la paille dans des conditions agronomiques difficiles,  comme un sol humide ou acide et un climat froid. Dans le Massif Central, elle est par exemple très présente. Le triticale est essentiellement cultivé pour l’alimentation animale, bien que certains boulangers commencent à en faire un pain contenant peu de gluten. L’épeautre est quant à elle une autre céréale ancienne, rustique, cultivée essentiellement aujourd’hui pour l’alimentation animale et en agriculture biologique.

Valoriser le blé tendre, associer les variétés

« La sélection est aujourd’hui très active concernant le blé tendre. Nous inscrivons en moyenne cinquante nouvelles variétés de blé tendre par an » indique Dominique Thuault, Responsable des productions de semences de céréales, de protéagineux, de fourragères et de colza, chez Terrena Semences. La diversité augmente : le blé tendre est tantôt barbu, tantôt glauque, tantôt meunier, etc. Le blé de force a naturellement la capacité à faire beaucoup de protéines, qui rendent la pâte à pain extensible : il permet de corriger des mélanges meuniers. Le blé biscuitier, au contraire, fournit une farine pauvre en protéines, afin d’obtenir une pâte qui ne lève pas. « A chaque variété correspond une utilisation mais aussi un itinéraire technique précis : le blé de force suppose par exemple une plus grande quantité d’azote que le blé biscuitier, puisqu’il est plus riche en protéines », ajoute Dominique Thuault. Mais une variété de blé tendre ne peut pas répondre seule à un cahier des charges d’un industriel ! Il faut faire appel à un large éventail de variétés, d’autant plus qu’il existe des variations climatiques et biologiques selon les années, qui ont des répercussions sur la qualité des blés. Il faut, pour fournir un produit standard, qui réponde toute l’année à un cahier des charges précis, cultiver plusieurs variétés en parallèle, ce qui est plus technique, plus exigeant. « Dans le cadre de ce que nous appelons ‘l’agriculture écologiquement intensive’, nous associons aussi plusieurs variétés afin de réduire les intrants, et d’améliorer la qualité globale de la farine », conclut le spécialiste.
Certains sacs et couverts en bioplastique sont fabriqués à partir de farine de blé ou de maïs. L’amidon de blé est un bon décapant pour la peinture et présente des propriétés émulsifiantes, moussantes et absorbantes, utilisées pour la fabrication des crèmes ou des lessives. Les céréales peuvent aussi entrer dans la composition des dentifrices, des couches pour bébé, des médicaments. Avec la rafle (l’épi sans les grains) sont également produit des matériaux d’isolation thermique et phonique.
Chaque année, environ 60 nouvelles variétés de céréales (la moitié concerne des blés destinés à la panification) sont inscrites au Catalogue Officiel et proposées aux agriculteurs. Au total, six mille variétés de céréales sont inscrites, dont six cents variétés de blés et trois cents variétés réellement cultivées par les agriculteurs.
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