La richesse des ressources génétiques rizicoles

Rizière de Camargue
 Crédit Photo : Sabastien Champion
Si le riz sauvage existe depuis des centaines de milliers d’années, le riz domestique remonterait à plus de 5.000 ans avant notre ère. Des mutations clés sont en effet apparues : le grain mûr ne se détache plus de la plante, facilitant la récolte ; le plant de riz domestique est droit et haut.

Deux domestications néolithiques en Asie

Entre l’origine du riz cultivé et les milliers de variétés actuelles plusieurs millénaires se sont écoulés. «Rendons hommage à nos ascendants du néolithique qui ont eu la présence d’esprit, peut-être un peu poussés par la faim, d’établir une sélection au sein des populations ancestrales de riz, dans les zones humides, en Inde et en Chine, de part et d’autre de l’Himalaya », s’amuse Guy Clément, chercheur au CIRAD. Ce riz cultivé a connu une expansion graduelle, en fonction des aléas des activités humaines : migrations, commerce ou guerres. Il est par exemple introduit en Europe par Alexandre le Grand, puis pendant les conquêtes arabes, introduit en Amérique par les grands navigateurs. Au gré de ses voyages, le riz mute, s’adapte aux terroirs variés qu’il rencontre.

Implantation des rizières en Camargue

En France, les premiers essais de culture du riz datent du règne d’Henri IV. Sully souhaite développer la Camargue et pense que c’est un endroit idéal pour le riz et la canne à sucre ! Mais la culture du riz ne s’établit réellement dans cette région qu’à partir de l’endiguement du Rhône, sous Napoléon III. « A ce moment là, le Rhône ne joue plus son rôle de ‘désalinisateur’ des terres camarguaises. Il faut donc créer un système d’irrigation pour dessaler les terres et implanter une culture qui supporte l’immersion : le riz », raconte Guy Clément. Cette céréale se développe dans les années 1950, après les pénuries alimentaires générées par la guerre, grâce aux aides du plan Marshall et par l’intermédiaire des vietnamiens qui travaillent dans des conditions très dures. En 1950, environ 30.000 ha étaient cultivés en France, essentiellement en Camargue. Le riz a connu certains aléas mais depuis les années 1990, la riziculture couvre environ 20.000 ha en Camargue.

Bienvenue en riziculture de climat tempéré

La Camargue fait non seulement partie des rizicultures marginales de climat tempéré mais elle est située à la limite nord de l’ère d’extension de la riziculture et est soumise aux vents du Nord. « Le riz s’adapte à des conditions diverses : on trouve du riz pluvial, cultivé comme une céréale classique, du riz irrigué, du riz de bas-fonds ou du riz flottant. On le retrouve sur les berges du fleuve Amour jusqu’au sud de l’Australie. Et jusqu’à 2.500 m d’altitude, comme au Népal ou à Madagascar ! La variabilité génétique du riz est nécessairement très large pour correspondre à ces biotopes très différents », indique le spécialiste. La collection mondiale de riz contiendrait plus de 100.000 écotypes différents. Evidemment, les ressources génétiques adaptées aux conditions de la Camargue et plus généralement aux pays tempérés, ne sont qu’un reflet des ressources mondiales.

Enrichir les ressources génétiques

Ces ressources génétiques rizicoles sont divisées en deux grands groupes : les Japonica et les Indica, correspondant à peu près aux deux foyers originels de domestication. L’Indica concerne les cultures irriguées de climat tropical et le Japonica les cultures irriguées de climat tempéré, les cultures irriguées tropicales d’altitude et les cultures pluviales. « Quand on est sélectionneur, on veut tirer profit des ressources existantes mais aussi aller ailleurs pour débusquer des gènes d’intérêt, que ce soit concernant la qualité aromatique, la résistance à la salinité, au froid ou aux maladies. Nous avons dans un premier temps travaillé sur les ressources des climats tempérés. Puis dans un second temps, nous avons cherché dans des variétés tropicales des gènes d’intérêt, pour enrichir nos collections par des croisements », explique Guy Clément. Par exemple, pour la qualité aromatique, il existe trois types principaux : le Japonica tropical, le Thaï et le Basmati, dont un exemplaire est adapté à nos conditions. Des variétés aromatiques adaptées au terroir camarguais ont ainsi pu être obtenues, dont certaines sont aujourd’hui cultivées. Une troisième voie d’enrichissement des ressources génétiques consiste à tirer profit du travail des autres ! Un brassage important a eu lieu, porté au début par l’institut international IRRI. Il s’agissait de cumuler le potentiel de rendement des variétés Japonica méditerranéennes et les adaptations intéressantes apportées par les variétés Japonica tropicales. « Depuis quelques années, nous constatons que sur un ensemble de variétés d’origine tropicale, certaines sont parfaitement adaptées ici, par exemple grâce à leur précocité. Désormais, les ressources génétiques disponibles pour la Camargue, et donc pour les régions tempérées en général, sont presque aussi importantes que les ressources mondiales », explique le chercheur.

Un patient travail de sélection, de conservation et de multiplication

La rizière expérimentale du CIRAD est divisée en trois ensembles. « La sélection dite précoce s’effectue pendant plusieurs années, pour obtenir une bonne homogénéité, et ce matériel génétique est légué ensuite à nos partenaires du Centre Français du Riz, qui finalisent la fixation des lignées et sélectionnent des variétés susceptibles d’être inscrites au Catalogue et commercialisées. Ce processus dure environ 7 ans. Nous avons aussi une partie qui concerne des variétés à l’essai pour être enregistrées au Catalogue Européen et une partie dédiée à la multiplication des variétés déjà utilisées», conclut le chercheur. Ainsi, la collection de riz méditerranéenne contient près de 500 génotypes que les sélectionneurs conservent, caractérisent et valorisent. En France, une trentaine de nouvelles variétés ont été élaborées et commercialisées au cours des 15 dernières années. Article issu de la journée Biodiversité organisée par l'interprofession des semences et plants en partenariat avec le Centre français du riz et le Syndicat des riziculteurs de France et Filière, le 14 septembre 2012 au Mas Adrien et au domaine Paul Ricard en Camargue

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