Elaborer de nouvelles variétés de riz en Camargue

Crédit Photo : Sébastien Champion
Le sélectionneur étudie au champ les caractéristiques des différents riz, s’appuie sur la biodiversité pour améliorer les variétés afin de répondre aux attentes agronomiques et qualitatives des riziculteurs, industriels et consommateurs.

Améliorer les performances variétales au sein d’un terroir particulier

La sélection moderne du riz a débuté à l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) après la deuxième guerre mondiale, en 1947, dans le but d’augmenter les rendements et d’améliorer les techniques culturales. Deux variétés importantes ont alors été inscrites : Cigalon en 1962 (toujours cultivée, variété de riz « rond » très précoce) et Delta en 1974. En 1986, le CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) a repris les programmes de sélection de l’INRA. En 1995, l’entreprise Sud Céréales a décidé de s’impliquer à son tour dans la sélection du riz pour accélérer la recherche. En 2001, un programme de sélection commun a été inauguré aisément entre le CIRAD et le CFR (Centre Français du Riz) car les deux organismes de recherche avaient déjà travaillé ensemble. Depuis 1986, 30 variétés ont été inscrites au Catalogue. «L’objectif majeur de la création variétale est d’améliorer les performances des variétés. Celles-ci concernent principalement l’amélioration du rendement et la qualité. Le marché et les process de transformation évoluent beaucoup : les caractéristiques du grain de riz, et en particulier de l’amidon, doivent correspondre à la demande des industriels et des consommateurs », explique Didier Louvel, sélectionneur au CFR. Les conditions de sol et de climat en Camargue sont très particulières : nappe phréatique salée, températures limitantes en début et en fin de cycle de culture, Mistral très présent. Le riz y est mis dans des conditions sévères, et les variétés doivent s’y adapter, présenter un rendement régulier à l’échelle de plusieurs années.

Répondre à la demande actuelle, prédire la demande future

« Nous commençons les tests de comportement agronomique en F5 [cinquième génération, six ans après le croisement] et les tests technologiques sur les F4 : nous devons alors correspondre aux besoins actuels des industriels mais aussi sentir les demandes futures », poursuit le chercheur. Plusieurs sites d’essais sont à disposition des sélectionneurs pour faire ce travail : un lieu à la salinité élevée pour tester la seule tolérance au sel, un lieu où sont testées globalement les performances productives. D’autres essais sont effectués sur des variétés commerciales, soit françaises, soit italiennes, sur des variétés en cours d’inscription au Catalogue européen et sur des variétés en fin de sélection, proches de la proposition à l’inscription. L’assolement camarguais est actuellement constitué de 45 % de riz « long A », de 45 % de riz « rond », de 4 % de riz « long B », et d’un peu de riz aromatique et de riz coloré (rouge ou noir). Dans les années 1990, la filière a donné comme objectif de sélection des riz « longs B » à forte teneur en amylose. L’amylose est un constituant de l'amidon et le principal facteur de qualité car sa teneur est corrélée à l'augmentation de volume et à l'absorption d'eau pendant la cuisson, ainsi qu'à la dureté, la blancheur et la matité du riz cuit. Mais dans les années 2005, le marché a basculé sur les riz « ronds ». « Il faut être capable d’avoir toujours en réserve des variétés pour répondre aux évolutions de la demande », insiste le sélectionneur.

Rond ? Long ? Parfumé ? Précoce ?

La grande variabilité des riz recouvre à la fois la précocité, le rendement, la teneur en amylose, la forme du grain, la résistance aux maladies et aux stress climatiques. Les variétés « rondes » ont par exemple le plus fort potentiel de rendement, suivies des « longs A » et enfin des « longs B », plus irréguliers. Les durées de vie commerciale des variétés sont également variables : Ariete a été inscrite en 1986 et est toujours cultivée, mais d’autres variétés ne restent sur le marché qu’un an ou deux. « Adret est un riz « long B » à forte teneur en amylose, principalement destiné à la restauration hors foyer. Ce sont des riz à cuire environ 20 minutes et qui restent fermes, secs et non collants pendant deux heures », indique le spécialiste. D’autres variétés « longs B », comme Gines, ont des teneurs plus faibles en amylose, et sont plutôt destinées à la moyenne et grande distribution, étuvées ou non. « Gageron est un « rond » inscrit il y a deux ans, tardif, et qui présente un bon potentiel (paille courte, bon rendement, bonne résistance aux maladies). Sirbal est un « long A », doté d’une bonne résistance à la pyrale, très productif, mais son défaut est le format du grain, proche d’un « long B » : le grain est plus fin. Arelate, « long A », a été inscrite en 2001, et présente un bon rendement à l’usinage, elle est utilisée en Agriculture Biologique, résistant bien aux différentes maladies », poursuit Didier Louvel. D’autres variétés précoces sont en cours d’inscription, car la précocité permet un semis tardif, privilégié en agriculture biologique : le travail du sol juste avant le semis permet d’éliminer des adventices ayant déjà levé. Article issu de la journée Biodiversité organisée par l'interprofession des semences et plants en partenariat avec le Centre français du riz et le Syndicat des riziculteurs de France et Filière, le 14 septembre 2012 au Mas Adrien et au domaine Paul Ricard en Camargue

- des variétés présentant une grande vigueur d’implantation qui réclament des doses de semis plus faibles et résistent mieux aux adventices ; - des variétés plus courtes, ce qui facilite les récoltes ; - des variétés plus précoces ; L’amélioration des outils d’analyse a permis de caractériser plus finement la qualité (teneur en amylose, temps de cuisson, fermeté, etc.) et ainsi de mieux cibler les usages et les débouchés.
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