Sélectionner des gazons écologiques : tout un métier !

Micro-parcelles d'espèces à gazon
Les pelouses doivent désormais pouvoir être à la fois gérées de façon « différenciée », c’est-à-dire écologique, et pouvoir dans le même temps être piétinées par les usagers, qui viennent y marcher et s’y détendre... Une gageure ! Pour former un beau gazon qui réponde à la fois à ces nouveaux enjeux environnementaux et sociétaux, il faut souvent de nombreuses années d’observation et de sélection afin d’obtenir les meilleures variétés pour chaque usage et pour chaque terroir.

De multiples variétés mises à l’épreuve !

Jean-Marc Lecourt, sélectionneur et président de la SFG (Société Française des Gazons), illustre pour nous à travers l’exemple de quelques expérimentations comment les gazons sont aujourd’hui sélectionnés et travaillés pour répondre aux nouvelles attentes de la société. « Les principales espèces à gazon sont au nombre de 8 et il en existe 5 autres considérées comme des espèces secondaires. Mais pour chaque espèce, il existe un grand nombre de variétés. Par exemple pour le Ray Grass anglais, graminée phare des gazons, il existe plus de 80 variétés inscrites au Catalogue Officiel Français ». Pourquoi tant de variétés ? « Tout simplement parce qu’elles ont des qualités très différentes, par exemple capables de s’adapter à des tontes différentes : chaque semaine, toutes les deux semaines, ou tous les ans », poursuit Jean-Marc Lecourt.

De nouvelles aspirations sociétales et environnementales

Quelles sont les nouvelles attentes concernant les gazons ? Elles sont en fait très nombreuses. Le sélectionneur raconte : « On demande une faible pousse car on cherche à minimiser les déchets de tonte et à diminuer la fréquence des tontes. On cherche des variétés qui présentent une bonne rusticité et qui résistent en particulier au stress hydrique, c'est-à-dire des variétés qui tolèrent un faible arrosage voire l’absence d’arrosage. On veut aussi des gazons qui nécessitent globalement moins d’intrants, moins de fertilisation. Les variétés doivent également être beaucoup plus denses, de façon à éviter l’installation des adventices et éviter ainsi l’emploi de produits phytosanitaires pour les éliminer. On cherche bien sûr aussi des variétés qui vont résister aux maladies et présenter une couverture du sol plus pérenne ». Mais il faut aussi que les gazons résistent aux piétinements puisque les pelouses ne sont plus interdites ! Et qu’elles restent bien vertes hiver comme été... Développer les nouvelles variétés pour répondre à ces attentes demande beaucoup de temps aux sélectionneurs puisqu’il lui faut environ 15 ans de recherche pour mettre à disponibilité sur le marché une nouvelle variété. « Sur les parcelles d’expérimentation, nous avons voulu montrer aux utilisateurs la richesse, la diversité et les spécificités des espèces et des variétés à gazon ». Y sont regroupées les principales espèces à gazon, déclinées en multiples variétés : Les Ray Grass anglais (espèce incontournable, d’installation facile et très résistante au piétinement), les fétuques élevées (très intéressantes pour leur résistance à la sécheresse) ou encore les fétuques rouges. Certaines sont adaptées pour les terrains de sport, certaines plus adaptées aux terrains de grand jeu et d’autres vont être plutôt réservées à l’engazonnement des talus d’autoroute, des voies ferrées, des plaines autour des grandes villes. Il y a aussi des usages très originaux comme la couverture d’allées sablées en pleine ville. Certaines variétés sont ainsi à proscrire des gazons si les tontes sont très hautes et très espacées (cas d’une gestion différenciée, écologique et économique). Elles disparaissent ou elles montent trop, et demandent alors trop de travail aux équipes d’entretien. D’autres au contraire sont vraiment à recommander, même en l’absence totale de tonte. Elles permettent de faciliter le travail des équipes d’entretien.

Travailler pour l’avenir

Il est aussi indispensable que l’utilisateur fasse appel à des semences certifiées, qui ont été soumises à certification par l’organisme officiel de contrôle. Elles apportent à l’utilisateur une garantie de la valeur d’utilisation de ces semences, pour un bon usage, au bon endroit. Cette certification garantit également des normes technologiques : une bonne germination, une bonne pureté pour chaque lot utilisé, indispensable pour une bonne installation du gazon. Le spécialiste conclut : « Les sélectionneurs continuent de travailler pour l’avenir. Aujourd’hui arrivent de nouvelles espèces adaptées aux gazons qui vont révolutionner les gazons de demain. »
La sélection, c’est avant tout un patient travail d’observation. Les sélectionneurs débutent par des observations en pépinière, plante à plante, en notant avec précision le comportement de chacune d’entre elles pendant une période de deux ou trois ans : maladies, couleur, précocité, résistance au froid et à la sécheresse, etc. Les meilleurs sujets sont multipliés. Les semences obtenues sont semées en micro-parcelles et celles-ci sont à nouveau finement observées. À l’issue de cinq à six années d’examen, de dizaines de notations sur des dizaines de milliers de plantes, les individus les plus intéressants sont choisis. Enfin, l’intégrité (on appelle cela la « distinction homogénéité stabilité ») de la variété est testée avant que celle-ci ne soit mise sur le marché.
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