La France, pays des semences par excellence

Saison après saison, les cultures agricoles façonnent nos paysages. Jaune soutenu des champs de colza à l’arrivée du printemps ou bleu mauve des fleurs de lin au mois de juin, blondeur des blés ou encore jaune orangé du tournesol au cœur de l’été, verdure née du semis des plantes fourragères à l’automne, terres nues l’hiver. A l’origine de chacune de ces productions agricoles, on trouve des semences. La récolte de l’agriculteur dépend de leur qualité…

Production de semences de tournesol - Pollinisation par des ruchettes © Gnis-Philippe Roux

Graine et semence

« La semence, c’est la vie », explique Alain Baraton, jardinier en chef du Grand parc du château de Versailles. Pourquoi cette distinction entre semence et graine ? La graine est destinée à la consommation, humaine ou animale. Nous nous nourrissons ainsi de graines de céréales : maïs doux, blé et riz. Nous consommons également des graines de lin ou de tournesol mêlées au pain… Par ailleurs, on donne du maïs aux vaches, aux oies et aux canards, du blé aux poules, etc.

« Contrairement à la graine, la semence est destinée à la reproduction », analyse Jean-Pierre Alaux, agriculteur-multiplicateur dans l’Aude. Or, pas de reproduction de la plante sans une semence apte à germer ! Et, c’est là, le nerf de la guerre…

Un secteur dédié et organisé

« Quand il sème, un agriculteur espère que chaque semence va lui donner une plante », commente Jean-Pierre Alaux. Pour se rapprocher le plus possible de cet objectif, des acteurs du secteur se sont spécialisés dans la production de semence. Le résultat de leurs actions combinées concourt à la mise sur le marché de « semences certifiées ». On distingue 4 familles professionnelles :

  • 1- Les entreprises de sélection. A travers des programmes de recherche, elles travaillent à adapter les plantes aux territoires, aux climats, aux attentes sociétales (ex : développer des résistances aux maladies pour limiter l’utilisation de produits phytosanitaires) et aux modes de vie actuels (ex : résistance d’un légume à la surgélation, etc.).
  • 2- Les entreprises de production. Elles confient quelques semences de la variété destinée à être commercialisée à des agriculteurs-multiplicateurs. Ceux-ci les multiplient en grande quantité. L’entreprise de production achète ensuite la récolte de l’agriculteur-multiplicateur. En station de semences, les semences sont traitées (triage et élimination des impuretés, calibrage, application d’un traitement de semences pour protéger la future plante) et conditionnées.
  • 3- L’agriculteur-multiplicateur est un agriculteur qui s’est spécialisé dans la multiplication de semences. Son objectif est de maintenir la qualité des semences que l’entreprise de production lui a confiées et de la reproduire à grande échelle.
  • 4- Les distributeurs de semences. Il peut s’agir d’enseignes spécialisées comme de rayons dédiés au sein de grandes surfaces.

Les garanties attendues

Un cahier des charges précis est établi entre l’entreprise de production et l’agriculteur-multiplicateur pour définir les attentes en termes de qualité. Ce cahier des charges s’appuie sur un « Règlement technique général de la production, du contrôle et de la certification des semences », homologué par le ministère de l’Agriculture. En effet, étant donné l’enjeu de sécurité alimentaire qui caractérise la production agricole, la certification des semences commercialisées dépend d’un cadre réglementaire très strict.

Outre la capacité de reproduction (l’obligation minimale de faculté germinative oscille entre 80 % et 90 % par lots commercialisés selon les espèces végétales), la semence certifiée apporte des garanties sanitaires, c’est-à-dire qu’elle est exempte de maladies. Enfin, elle véhicule des garanties en termes d’identité et de pureté variétale… Car les agriculteurs ont besoin d’être assurés de la conformité des semences avec la variété de plante qu’ils ont choisie.

Des contrôles de la qualité sont effectués à toutes les étapes de production. Le ministère de l’Agriculture délègue ces contrôles aux experts du Soc (Service officiel de contrôle et de certification).

Le rayonnement français

La France est le 1er producteur de semences en Europe et le premier exportateur mondial ! Divers facteurs concourent au rayonnement français : la diversité des terroirs, le savoir-faire des agriculteurs-multiplicateurs, le partage de la qualité à travers une organisation interprofessionnelle et un cadre réglementaire adapté, des investissements financiers et une dynamique d’innovation qui se retrouvent dans les quatre familles professionnelles.

Et les jardiniers ?

Les semences achetées par le jardinier sont produites par les mêmes acteurs que celles achetées par les agriculteurs. Elles reposent également sur un cadre réglementaire et des contraintes techniques bien définis. « L’agriculteur contribue à ce que la population puisse se nourrir, les jardiniers à embellir nos vies, rappelle Alain Baraton, jardinier en chef du Grand Parc de Versailles. Notre objectif est le même que celui des agriculteurs : faire pousser des végétaux de qualité, qui correspondent à nos attentes. Pour cela, nous attendons aussi des semences de qualité. La semence, c’est la vie… ».

Les établissements semenciers, avec des agriculteurs spécialisés (les agriculteurs-multiplicateurs de semences), produisent des semences pour une vingtaine d’espèces potagères différentes, dont la plupart ont besoin des abeilles pour la fécondation et donc la production des graines. Ils sollicitent donc les apiculteurs de leur région pour des contrats ''de mariage'' entre leurs cultures et les abeilles. Leurs besoins sont généralement de 5 ruches par hectare. Plus de 56.000 ruches sont ainsi mobilisées, et ce partenariat représente pour les apiculteurs un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros.
En 2007, plus de 18.000 agriculteurs-multiplicateurs ont consacré une partie de leur exploitation à produire sous contrat avec des établissements producteurs: - des semences de céréales et de pois sur 160.000 ha, - des semences de plantes fourragères et à gazon sur 40.000 ha, - des semences de maïs et sorgho sur 40.000 ha, - des semences de plantes oléagineuses (colza, tournesol...) sur 16.000 ha, - des semences de lin et de chanvre sur 13.000 ha, - des semences de betteraves et de chicorée sur 3.500 ha, - des semences de plantes potagères et florales sur 16.000 ha, - des plants de pomme de terre sur 14.500 ha...
Diminuer les traitements phytosanitaires sur l'ensemble des cultures dédiées à la consommation humaine ou animale est une des orientations importantes retenues lors du Grenelle de l'environnement. Or la production de semences de qualité va tout à fait dans ce sens. En effet, si des semences sont propres et saines, elles permettent d'éviter des désherbages et des traitements sur les cultures qui en seront issues. Les agriculteurs-multiplicateurs de semences prennent donc toutes les mesures pour éviter que leurs récoltes de semences ne soient contaminées par des maladies.
Les productions de semences sont réalisées sur des surfaces assez réduites. En effet, il s'agit de multiplier la quantité de semences qui correspond à une demande nationale, européenne ou mondiale. Selon les espèces, une seule graine peut permettre la production d'une trentaine de graines à plusieurs milliers. Ainsi, en France, la production de semences de nombreuses espèces potagères à petites graines (carottes, oignons, radis...) ne représente qu'environ 7.000 hectares, dont certaines espèces et variétés sur de très petites surfaces. Les semences de betteraves sucrières occupent chaque année 3 à 4.000 hectares, qui servent ensuite à ensemencer plusieurs centaines de milliers d'hectares dans toute l'Europe. Autre exemple: les surfaces de semences fourragères et à gazon sont proches de 40.000 hectares mais elles concernent 4 millions d'hectares de prairies et de pelouses.
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