« Le discours général vise à opposer les agriculteurs et les consommateurs… C’est absurde ! »

Aurélie de Benoist, agricultrice à Bouconville-Vauclair (Aisne)

Chef d’exploitation agricole et mère de quatre enfants, Aurélie de Benoist nous fait partager sa passion pour la terre et sa vision du métier d’agriculteur. Rencontre…

Vous dirigez une exploitation dans l’Aisne, dans les Hauts-de-France… C’est bien ça ?

Oui, c’est une structure de taille intermédiaire : elle compte 260 hectares. Mes deux salariés et moi y cultivons des céréales, des oléagineux, des protéagineux et de la betterave à sucre. Nous élevons aussi un troupeau de 30 vaches salers. J’ai pris la succession de mon père il y a 15 ans en arrière… Concrètement, je suis installée en SCEA, c’est-à-dire que je gère l’exploitation que celui-ci a laissée à ses enfants.

Quelle est votre vision du métier d’agriculteur ?

C’est un métier millénaire, qui vise à nourrir les êtres humains. Mais il n’est pas toujours bien compris aujourd’hui. Le discours général vise à opposer les agriculteurs et les consommateurs... C’est absurde ! L’agriculteur, lui aussi, est un consommateur. Je suis une maman de 4 enfants, qui entre dans la quarantaine. Bien sûr que je me pose la question de la localisation de la production, de la traçabilité, de la qualité des marchandises que j’achète. Donc ces mêmes interrogations se retrouvent dans la conduite de mon travail. La consommatrice et l’agricultrice ne forme qu’une seule et même personne... Il en va de même la majorité de mes collègues.

A ce propos, comment gérez-vous pilotage de l’exploitation et vie de famille ?

L’embauche de deux salariés a permis de trouver un équilibre. Je me consacre essentiellement à la gestion administrative de l’exploitation et aux choix stratégiques des cultures, ainsi qu’à leur planification : choix des espèces et des variétés, planning des semis et des récoltes, gestion des approvisionnements, de la comptabilité et des factures, mais aussi investissements matériels pour garder l’exploitation au top. Ce sont donc mes salariés qui, à proprement parler, font les cultures : préparation du sol, semis, désherbage, traitements…

Quelles sont vos convictions personnelles en matière de respect de l’environnement ?

Honnêtement, j’étais « pro-bio » quand je me suis installée à mon compte il y a quinze ans environ et mon opinion a un peu évolué. La volonté politique de régulation en matière de traitements phytosanitaires est bonne et nécessaire. Le souci, c’est qu’il y a un manque de cohérence et une instabilité permanente sur ce sujet. De plus, la perception de l’agriculture et des agriculteurs est erronée. Le bio n’assure pas des rendements constants, car les plantes ne sont pas assez protégées. Or, il faut nourrir une population grandissante. De plus, l’agriculteur doit s’en sortir financièrement pour maintenir son activité.

Ma philosophie, c’est donc la recherche de la juste dose. Celle qui va permettre de protéger la plante sans trop polluer l’air, le sol, l’eau environnante. C’est une vision assez partagée par les acteurs du monde agricole d’aujourd’hui. Cette recherche d’équilibre se traduit de manière concrète dans la conduite de l’exploitation. Le plus important c’est l’observation des cultures pour intervenir au meilleur moment et seulement si c’est nécessaire. Les intercultures représentent aussi un excellent moyen de travailler la terre, dans le respect de l’environnement.

Le printemps et le début d’été ont été marqués par les intempéries qui, justement, peuvent être lourdes de conséquences sur le développement de maladies et pour les rendements. Comment se portent les cultures 2016 dans votre exploitation ?

Les blés s’avèrent très touchés par la fusariose…  De plus, les orges, les pois d’hiver et le colza sont très en dessous du niveau de rendement nécessaire au paiement de nos charges. Les orges de printemps et les fèveroles se révéleront ― je l’espère ! ― un peu meilleurs. Et si le mois d’août est ensoleillé les betteraves vont pouvoir se développer et faire du sucre !

Est-ce fréquent aujourd’hui une femme à la tête d’une exploitation agricole ?

De plus en plus… Je fais partie de différentes associations de représentants d’agriculteurs et je suis au conseil municipal de Bouconville-Vauclair. J’observe que la profession se féminise ! Mes collègues femmes sont souvent appuyées par leur compagnon, ce dernier étant soit pleinement engagé dans l’exploitation soit en appui car ayant une autre activité professionnelle

Vous faites partie des ambassadeurs Agridemain. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Agridemain représente une plate-forme de communication, qui réunit 200 agriculteurs sur toute la France. Nous allons à la rencontre du grand public pour expliquer, faire comprendre nos métiers. Nous sommes présents sur le web, les réseaux sociaux (@agridemain) et nous participons à différents évènements.

Le prochain aura lieu en août… Il s’agit de la fête des moissons (#fêtedesmoissons). L’objectif de cette manifestation nationale est de faire partager l’esprit festif des moissons aux amis, voisins et à tous ceux qui veulent mieux comprendre notre métier. Les moissons constituent un moment clé pour tous les agriculteurs : c’est l’aboutissement d’un an de travail et un moment intense de travail mais aussi de dialogue entre les acteurs d’une même région. La Fête des moissons, c’est aussi une manière d’exprimer son appartenance au monde agricole. C’est une image positive à donner à mes enfants…

Donc vous allez ouvrir les portes de votre exploitation ?

Oui, l’opération se tient du 20 au 28 août. Personnellement, j’ouvrirai l’exploitation le 20 août. J’accueillerai les visiteurs avec café et jus d’orange. Ils pourront voir l’exploitation, tester le tracteur. D’autres exploitations des quatre coins de France ont rejoint l’évènement et sont prêts à accueillir du monde. Les citoyens désireux de venir à notre rencontre n’ont qu’à repérer les exploitations participantes sur la carte de France interactive dédiée à la manifestation et à s’inscrire !

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