Maintenir la variété Chou de Saint-Saëns

Gérard Mallet - Mainteneur de la variété Chou de Saint-Saëns

Gérard Mallet, qui êtes-vous ?

Gérard Mallet - Mainteneur de la variété Chou de Saint-Saëns
J’ai quitté l’école à 14 ans pour aller travailler comme apprenti chez un horticulteur, M. Hédou, dont j’ai pris la succession. C’est en travaillant au jardin que j’ai appris à connaître et à aimer le chou de mon pays, le chou de Saint-Saëns. En Haute–Normandie, chaque petite région avait son type de chou : chou de Quevilly, chou de Dieppe et beaucoup d’autres… C’était le légume de garde, celui qui permettait de passer l’hiver. Entre les deux guerres, on vendait 100 000 plants par an ! Il y a même une chanson de 1920 sur le chou de Saint-Saëns qu’on chantait dans les corso fleuris. Le déclin est venu ensuite, le chou était moins adapté à l’alimentation « moderne ».

Comment êtes-vous devenu « Monsieur chou de St-Saëns » ?

M. Hedou m’avait demandé de conserver et de garder soigneusement cette variété. Après des recherches, j’ai retrouvé un registre de marchand-grainier de Rouen de 1850 qui le cite sur des factures. Et le guide Vilmorin de 1900 le cite (mais le décrit mal, car il indique que c’est un type Milan, ce qui est faux !) C’est donc une variété de notre patrimoine régional. Alors, quand j’ai appris fin 1997 qu’une liste officielle de variétés potagères anciennes destinées aux amateurs avait été ouverte au Catalogue Officiel, j’ai tout de suite compris que c’était le moment de tenir mes engagements. Pour qu’une variété existe, il faut qu’elle soit correctement et exactement décrite. J’ai rempli la fiche descriptive fournie par le GEVES. Ça n’a pas été difficile car je connaissais tellement bien cette variété. J’ai fourni un premier échantillon de référence de 50 grammes de semences. La variété a été inscrite (c’était la première inscrite sur la liste) et j’ai été reconnu comme mainteneur. Elle va maintenant être inscrite sur la nouvelle liste européenne qui vient d’être créée.

Pourquoi avoir inscrit officiellement cette variété ?

C’est le seul moyen de garantir son existence ! Une variété officiellement décrite a le même nom partout et les acheteurs sont sûrs d’acheter la bonne variété. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai préféré garder seul la maintenance et la distribution des semences. J’ai le contact direct avec les utilisateurs et je peux leur expliquer les particularités de cette variété. Un exemple pratique d’intérêt du Catalogue Officiel : je cultive des haricots à rames dans mon jardin. Eh bien, chaque année, je constate 3 à 5% de plantes « hors type ». Si je ressème ces graines, je suis certain du résultat, la variété aura forcément varié. Un re-semis sans précaution, cela équivaut à une perte de la variété.

« Mainteneur », quelle responsabilité cela suppose-t-il ?

Je me suis engagé à assurer le maintien de la variété en matière d’identité et de pureté variétale. C’est un gros travail, car rien ne se croise plus facilement qu’une crucifère, comme le chou. On ne peut pas conserver une crucifère sans isolement et sans soin. Heureusement, ma maison est très isolée dans la vallée et je ne risque pas de pollinisations intempestives. Ensuite, il faut cultiver suffisamment de plantes : je fais un carré de 100 plants à partir d’un semis en Août et d’une plantation en planches 6 semaines après. Dans ces 100, j’en choisis 10 à 15, les plus conformes au type : coloration des feuilles vert ardoisé avec nervures rose foncé, pomme légèrement pointue, etc. Je les mets en jauge en serre froide pour les protéger du gel et je les remets en culture en Mars dans un sol bien préparé et bien nourri, car les plantes sont plus fragiles en année de montée à graines. Il faut ensuite faire attention aux oiseaux qui adorent manger les graines. Puis je récolte et je laisse les siliques murir et s’ouvrir sur un plastique à plat pour récolter les graines que je stocke dans des sacs en toile au sec. Mais attention, la faculté germinative n’est pas bonne très longtemps, 3-4 ans maximum. Et je renvoie un échantillon de semences au GEVES qui vérifie que la variété est bien restée conforme à la description tous les 5 ans. J’ai donc la responsabilité de maintenir cette variété identique à elle-même et donner des garanties pour le maintien au catalogue officiel. C’est un gros travail, mais cela m’a permis d’entrer en contact avec des collectionneurs de tous les pays, moi qui ne voyage pas. Cela m’a permis aussi de travailler avec l’Agence Régionale de l’Environnement, très intéressée par la biodiversité réelle. La difficulté va être de me trouver un successeur, en espérant qu’il pourra se faire épauler par un réseau de conservation des variétés de choux bien structuré. Je souhaite à tous les jardiniers passionnés, amoureux de leurs variétés locales, de voir leurs efforts récompensés par une reconnaissance officielle du patrimoine de leur région. Il faut de l’obstination, mais c’est possible !

Les conseils de Gérard Mallet pour cultiver le chou de Saint-Saëns

- Comme tous les choux, le chou de Saint-Saëns est très gourmand : il faut le planter dans un sol meuble et bien nourri : fumier, compost… - Pour éviter que le chou n’éclate, l’apport d’eau doit être constant. C’est le retour d’humidité après une période de sec qui fait éclater la « pomme ». - Ne jamais composter de déchets de choux qui risquent de transmettre une maladie : la hernie du chou. - Pour obtenir un chou de Saint-Saëns un peu moins gros, on peut lui faire faire un cycle de 7 mois (au lieu de 13) en le semant en mars (mais pas trop tard). - Pour entrer en contact : Gérard Mallet, 434 Chemin des maraichers, hameau de Roville, 76680 Saint-Saëns Vous êtes cordialement invités à la Fête du chou de Saint-Saëns qui a lieu tous les ans le dernier week-end de Septembre dans une ambiance particulièrement conviviale !
LG
MD
SM