Un coup de frais avec l'albédo des prairies

Et si l’albédo était un levier d’atténuation du changement climatique ? Avec un albédo élevé, les prairies, en réfléchissant davantage la lumière du soleil, ont un effet refroidissant sur le climat.

Polyculture bocage ©Sabine Huet

Les gaz à effet de serre (GES) générés par les activités humaines sont responsables du réchauffement climatique. Ils augmentent la quantité retenue, dans l’atmosphère, d’infrarouges à grande longueur d’onde émis par la surface terrestre. En clair, ils empêchent la chaleur de s’échapper vers l’espace. Pour atténuer le changement climatique, il est acquis qu’il faut réduire les émissions de GES et séquestrer plus de carbone. Mais il existe un troisième levier bien moins connu : l’effet albédo.

Albédo, quésaco ?

L’albédo est la part de lumière solaire réfléchie par une surface. Sa valeur s’exprime en pourcentage de 0 à 100 ou en chiffre de 0 à 1. Zéro correspond à une absorption totale du rayonnement solaire. À l’inverse, 1 ou 100% signifie que toute la lumière est réfléchie vers le ciel. Quand l’albédo augmente, le rayonnement solaire est davantage renvoyé vers l’atmosphère et la quantité d’énergie retenue par les GES à la surface de la Terre diminue. On parle de forçage radiatif négatif ou d’effet refroidissant. “Plus lalbédo est élevé, moins il reste d’énergie susceptible de réchauffer la planète”, explique Pierre Mischler, chef de projet à l’Institut de l’élevage. Avec des valeurs d’albédo comprises entre 0,15 et 0,30, la végétation a un pouvoir refroidissant contrairement aux sols nus et sombres dont l’albédo est compris entre 0,10 et 0,15. Un raccourci consiste à penser que l’albédo est élevé pour une surface claire et faible pour un sol foncé. En réalité, “loeil nest pas un bon instrument de mesure car il faut prendre en compte la lumière visible et le proche infra-rouge”.

La prairie refroidit

En pratique, les chercheurs calculent l’albédo avec un appareil muni de capteurs qui mesurent le ratio entre la lumière provenant du soleil et celle remontant vers le ciel. Des données récupérées à chaque seconde sont agrégées pour obtenir un albédo moyen journalier. “Sur une année, la courbe de l’albédo d’une prairie fluctue tel un électrocardiogramme, en fonction de la présence de givre et de neige, de l’humectation du sol et des prélèvements d’herbe par fauche ou pâturage qui laissent plus de sol visible.” Les chercheurs ont montré que la prairie a un effet refroidissant d’autant plus important que le rayonnement solaire est maximum. “La quantité moyenne d’énergie renvoyée dans les prairies étudiées est de - 8,5 watt/m2 par rapport à un sol nu.”

1400 kg éq CO2 économisé

En comparant l’albédo d’un blé d’hiver à celui mesuré sur les prairies de sept fermes expérimentales et en passant par de savantes formules de conversion, les chercheurs ont conclu que la prairie a un effet refroidissant moyen de 1400 kg éq CO2/ha/an, à condition qu'elle ne souffre ni de la sécheresse ni du surpâturage. “Cela signifie que l’albédo a le même effet sur le bilan énergie de la planète, qu’un retrait de 1400 kg éq CO2.” Pour aller plus loin, ils ont modélisé l’effet d’un changement de système de production passant d’une rotation blé-maïs-colza à un assolement 100% herbager. Résultat, l’albédo augmente en moyenne et tout au long de l’année. Plus il y a de prairies dans le système, plus l’effet refroidissant sur le climat est important : -144 kg éq CO2/ha/an à chaque palier de 10% d’herbe en plus. “Pour maximiser l’effet albédo d’un système, le sol doit être couvert le plus possible.” Les prairies ont donc un double impact positif dans l’atténuation du changement climatique : le stockage de carbone et l’effet albédo.

Sabine Huet

On est loin de tout savoir. Les chercheurs de l’Idele, de l’Inrae et des fermes expérimentales poursuivent leur travail pour acquérir de nouvelles connaissances sur la dynamique des processus biogéophysiques dont d’albédo, dans les systèmes fourragers. Ils vont reconstituer l’albédo des prairies diversifiées en étudiant chaque espèce présente. On sait déjà que les graminées ont un albédo supérieur aux légumineuses. “Il existe des différences entre les espèces et peut-être entre les variétés”, remarque Pierre Mischler, de l’Institut de l’élevage. Un des objectifs du projet Albédo prairie est aussi de co-construire des systèmes adaptés au changement climatique à l’aide d’outils de modélisation.

LG
MD
SM