L'association Grainaille prend soin des semences oubliées

L’association Grainaille a, l’an passé, fêté ses 10 ans. Une décennie à collecter, multiplier et conserver des graines d’antan, adaptées au contexte pédoclimatique particulier de la Haute-Loire. Le nombre d’adhérents ne cesse d’augmenter, signe de l’intérêt grandissant pour le jardinage... et bien plus. Car au sein de Grainaille, les échanges et la convivialité ne sont jamais loin !

Echanges et convivialité au sein de l'association Grainaille  © Association Grainaille

Jax, en Haute-Loire. Son église, ses 144 habitants, ses 1000 m d’altitude, son climat parfois rude et... son association Grainaille. À elle seule, elle rassemble près de 220 membres, des jardiniers amateurs et des maraîchers, de la commune bien sûr mais aussi des alentours. « En 2023, nous avons fêté nos dix ans, raconte Karine Pereira, adhérente depuis sept ans. Au départ, il n’y avait que dix membres mais, au fil des années et des animations, l’engouement autour de Grainaille n’a cessé de grandir ! » Que propose cette structure ? « Accueillir dans son jardin une variété de notre collection pour produire des semences, poursuit-elle. Le jardinier en garde une partie pour les planter l’année suivante et restitue l’autre partie à l’association qui, à son tour, les donnera à d’autres adhérents. Notre « maison des semences », installée dans plusieurs vieux frigos pour les préserver de l’humidité, des variations de température et des rongeurs, compte aujourd’hui plus de 300 variétés, d’environ 40 espèces, dont près de 70 variétés de tomates. » Les graines ont une durée de vie limitée : deux ans pour les unes, quatre ans pour d’autres, une année seulement pour le panais. L’idée est donc de sans cesse les multiplier pour conserver la richesse de cette collection. « Nous appelons cela la conservation dynamique de nos jardins, précise Karine Pereira. Nous ne vendons aucune graine mais nous les fournissons gracieusement à nos adhérents qui participent à leur multiplication. » 

Adapter les semences au climat de la Haute-Loire

D’où viennent les semences ? « Elles proviennent de collections de jardiniers amateurs mais aussi d’artisans semenciers, de la région ou non, explique-t-elle. Nous privilégions bien évidemment les variétés paysannes, capables d’être ressemées. Si elles ne sont pas tout à fait adaptées au climat de notre région, nous nous donnons quelques années pour qu’elles le soient. Ici, mieux vaut privilégier des variétés précoces car en altitude, les saisons sont courtes. Avec l’évolution rapide du changement climatique, nous devons aussi réfléchir à ce que seront les variétés de demain. Une auberge de la région, « La table de Vailhac », qui ne cuisine que les légumes de son jardin, a par exemple cultivé la tomate ‘Raisin Vert’ l’an passé, sans aucun arrosage ! Et pourtant, la production a été abondante car les pieds ont été implantés sur une butte. Ce sont aussi ces expériences que nos adhérents viennent chercher. »

Mode d'emploi pour produire des semences de qualité

Pour pérenniser la démarche, l’association met en avant la qualité de la production de semences. Aussi, pour accompagner les débutants et rappeler les points essentiels aux plus confirmés, elle propose des fiches, espèce par espèce, détaillant la marche à suivre, disponibles sur le site internet www.grainaille.fr. L’association a également publié un livre sur la production de semences, rassemblant l’expertise de ses membres au cours des dix dernières années (1). 

Si l’idée de base des fondateurs était de réussir à être autonomes au jardin en produisant leurs propres semences toute l’année pour tous les légumes, Grainaille propose bien plus. « Très vite, l’envie de partager, de renouer avec une forme de collectif, de solidarité locale s’est imposée, raconte Karine. Nous organisons différentes rencontres pour échanger nos semences bien entendu mais également nos expériences. Au jardin, il y a toujours des trucs et astuces à tester. Les rencontres et les discussion à l’occasion de foires, comme celle de Langeac ou la Fête des Plantes à Chavaniac-Lafayette, sont également privilégiées. Nous réalisons aussi des repiquages, en groupe : autant de moments de partage et de convivialité. »
 

Les jeunes aussi s’intéressent au jardinage

Mais au fait, quel est le profil des adhérents ? « Comme nos légumes, ils sont très variés, plaisante Karine Pereira. Tous les âges sont représentés. Les jeunes sont de plus en plus intéressés par le collectif et le partage d’expériences. La taille des jardins est, elle aussi, très variée. Même sur une petite surface, il est possible de faire de très belles choses. » Si l’union fait la force, chacun sait faire preuve d’humilité car au jardin, cela ne fonctionne pas à tous les coups. Parmi les projets à venir, Grainaille souhaiterait développer une animation autour de la valeur nutritive des légumes. « Nous proposons déjà quelques recettes mais nous souhaiterions aller plus loin, précise Karine. En automne par exemple, nous prévoyons un atelier de fabrication de choucroute avec notre chou 'Quintal d’Auvergne' ». L’an passé, nous avons animé une journée « ramène ta tomate » où près de 102 variétés différentes ont pu être observées et dégustées. » Car si l’association s’est donnée pour mission de préserver la biodiversité dans les jardins, cela va de pair avec la diversité des goûts dans les assiettes, pour le plus grand plaisir de nos papilles.

Carole Loiseau

(1) « Faire ses graines, c'est facile »!

« Parmi les plus beaux trésors de la maison des semences de Grainaille, une fève d’Auvergne, le pois mange-tout à cosse jaune dont on ne connaît pas le nom, une rave propre à la région, la 'voreysienne', une laitue locale mais aussi le chou 'Quintal d’Auvergne' dont une seule pièce peut peser jusqu’à 25 kg, liste Karine Pereira. La semence de ce dernier a été récupérée dans une banque de semences en Sibérie, a transité par un laboratoire de Lyon avant d’arriver chez nous. Nous en sommes très fiers. Chaque petite graine mérite d’être multipliée avec le plus grand soin. »

LG
MD
SM