Le blé, c'est toute une histoire

Les <i>Aegilops</i> font partie des ancêtres du blé tendre.  © Gnis/Jean-Michel Labat
L’histoire du blé commence il y a 500.000 ans, avec la cueillette de graminées sauvages. Puis, vient le temps de la domestication, il y a 10.000 ans environ. L’homme cultive les premières céréales qu’il a repérées, issues de croisements spontanés entre graminées sauvages. Parmi ces céréales cultivées : l’engrain et l’amidonnier. En sélectionnant les plantes ressemées, au fur et à mesure, il les domestique et fixe génétiquement un certain nombre de caractères. Un nouveau croisement spontané va avoir lieu entre l’amidonnier et une graminée sauvage : l’Aegilops squarrosa. Cette graminée possède 7 paires de chromosomes et son génome va s’additionner sans fusionner avec celui de l’amidonnier. Une nouvelle espèce voit le jour : le Triticum aestivum qui par évolution donnera les blés tendres dont les premiers sont appelés épeautres. Parallèlement, le blé amidonnier donnera le blé dur.

Spécialisation céréalière au Moyen Âge

Durant l’Antiquité, les premiers échanges entre blés grecs et blés romains enrichissent la base génétique. Au Moyen Âge, apparaissent de nouvelles techniques pour améliorer les cultures de blé : assolement triennal, labour avec charrue animale, apport de fertilisants naturels (fumier). C’est aussi le début du regroupement des terres en grandes propriétés. Au XVIe siècle, on observe une spécialisation céréalière de la Beauce, de la Brie, du nord de la France et de la Haute-Auvergne. A cette époque, la culture d’un épeautre barbu rouge (dénommé rousset) domine. Les cultures de mélanges de plusieurs céréales (ex. blés et orges) sont fréquentes.

Les débuts de la sélection

Jusqu’au XIXe siècle, les agriculteurs français sèment des variétés autochtones ou populations de pays (landraces) adaptées à leurs milieux. A partir de 1850, les semences autochtones sont remplacées par des blés dits aquitains (obtenus à partir de variétés venues de Crimée ou de l’actuelle Ukraine) et des blés anglais dans le nord de la France. Le plus connu des blés « aquitains » a été appelé « Blé Noé », du nom du Marquis de Noé (Gers) qui le diffusa en Beauce et en Brie. C’est à ce moment que Louis de Vilmorin réalise ses premiers travaux généalogiques sur le blé pour obtenir des lignées pures (variétés qui conservent les mêmes caractères d’une génération à l’autre). Il obtient ainsi la première variété de blé moderne, Dattel, issue du croisement entre deux blés anglais (Chiddam et Prince Albert). Les variétés Vilmorin resteront une référence dans le monde de la sélection jusqu’au milieu du XXe siècle.

Accélération de la recherche

Dès 1945, on utilise de nouveaux géniteurs : d’une part, pour obtenir des variétés plus résistantes au froid et aux maladies (Emile Schribaux et Charles Crépin), d’autre part, pour améliorer la qualité boulangère (Jacques de Vilmorin). A partir de 1960, les obtenteurs utilisent des variétés de toutes les origines, et notamment celles issues du pool asiatique pour sélectionner des gènes intéressants (ceux du nanisme par exemple). Ils ont également à disposition une réserve de gènes de toutes les espèces apparentées sauvages et cultivées.

Un progrès devenu permanent grâce aux travaux de sélection

Les rendements du blé tendre ont plus que triplé en France en cinquante ans. La sélection a largement contribué à ce progrès. Aujourd’hui, les agriculteurs français disposent de plus de 350 variétés de blé tendre. La tendance à la diversification variétale est croissante et le renouvellement des variétés cultivées est rapide. Les agriculteurs sont très attentifs chaque année aux progrès apportés par les nouvelles variétés et leurs attentes sont nombreuses : variétés encore plus résistantes aux maladies et accidents climatiques, variétés permettant de répondre aux différentes utilisations, variétés économes en produits et en fertilisation dans le cadre d’une agriculture durable. Sources : - Laurent Aubry (Arvalis-Institut du Végétal) et François Balfourier (Inra) dans Perspectives Agricoles n°362 - décembre 2009 - Xavier Martin (Interprofession des semences et plants)

Difficile de s'en rendre compte, et pourtant plus de 350 variétés différentes de blé sont aujourd'hui cultivées en France (363 en 2008). Il y a d'abord le blé tendre, qui sert à fabriquer le pain, les biscuits, ou les viennoiseries. En fonction de l'utilisation que l'on veut en faire, les variétés de blé tendre ont chacune leurs qualités. Les agriculteurs français ont le choix entre plus de 300 variétés différentes. Le blé dur, lui, sert à faire les pâtes ou encore la semoule. Il en existe près de 50 variétés. Les agriculteurs choisissent leur variété en fonction de leurs conditions de culture (sol, climat, latitude, résistance à certaines maladies) et des débouchés.

Le génome du blé (son patrimoine génétique) est 40 fois plus important que celui du riz et 5 fois plus volumineux que le génome humain. On sait qu’environ 30.000 gènes concourent à la constitution d’une plante de blé mais seulement quelques centaines ont été identifiés et cartographiés. Le blé tendre possède en effet trois génomes (deux issus de l’amidonnier et un de l’Aegilops) et trois fois sept paires de chromosomes (soit 42). La coexistence de ces trois génomes confère au blé tendre une capacité d’adaptation et un polymorphisme extraordinaire. «Cette succession de croisements spontanés dans la construction de l’espèce blé tendre nous rappelle que nous n’avons pas inventé grand-chose en matière de biotechnologies, la nature s’en est chargée seule depuis 500.000 ans, explique Xavier Martin, responsable céréales à la délégation d’Orléans de l'interprofession des semences et plants. La différence, c’est le rythme».

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