La culture de champignons, un long savoir-faire français

La culture de mycélium a longtemps été entourée d’un certain mystère. Elle reste encore un secret pour nombre d’entre nous. Pourtant, qui ne connaît pas le renommé champignon de Paris ! Savez-vous que le mycelium, à l'origine du champignon, peut être comparé à une semence et qu’il doit répondre à des critères techniques ?

Champignons de Paris Source Pixabay

Tout le monde sait que cet agaric (Agaricus bisporus) ne pousse pas dans la nature, contrairement à son petit frère l’Agaricus campestris ou rosé des prés. Il est cultivé en champignonnières, dans des caves ou d'anciennes carrières. Ne nous fions pas à son nom, il n’est plus parisien (voir encadré). S’il vient de France, il est le plus souvent issu des caves du Saumurois ou de Touraine. 
Dans les années 1970-80, c’était l’heure de gloire, et nous en exportions en grandes quantités. Depuis cette date, nous ne cessons de perdre des parts de marché. En une quarantaine d’années, le nombre de champignonnières a chuté : il en reste une cinquantaine, contre près de 400 en 1970. La production totale de champignons est tombée autour de 90 000 tonnes. La concurrence ne vient pas seulement des Etats-Unis et de Chine, les deux plus gros producteurs, mais aussi de l’Europe. Si bien qu’aujourd’hui, c’est la Pologne (avec environ 280 000 tonnes par an) qui est devenue le premier producteur européen de champignons de Paris ! Suivie par les Pays-Bas (240 000 tonnes). Même l’Espagne, avec 120 000 tonnes, dépasse maintenant la France. 

Le mycelium, équivalent à une "semence"

Pour la culture en champignonnières, deux sous-espèces d’agaric peuvent être utilisées : le blanc, le plus commun, commercialisé en frais ou en conserves, et le brun, plus goûteux, avec une teneur en matière sèche plus élevée, et une durée de conservation plus longue. Qu’il soit blanc, brun ou blond, l’agaric est toujours le champignon le plus cultivé et le plus consommé à travers le monde. Mais il est rejoint par le shiitaké ou « lentin du chêne », apprécié depuis des millénaires en Chine, et qui connaît de plus en plus de succès en Europe. Les pleurotes grises, jaunes ou roses et les pholiotes (plus rares) complètent la gamme des principaux champignons cultivés. 

La base de la croissance du champignon, c'est le mycélium. Difficile de définir ce type de semence, qui se présente comme un ensemble de filaments, pouvant être assimilés à la partie végétative du champignon. Pour réussir sa production, tous les grands champignonnistes le savent, il faut des conditions ambiantes optimales, un compost riche, et, surtout, il faut partir d’un « bon mycélium ». C’est l’étape la plus délicate de la culture. Pas étonnant qu’elle soit donc confiée à des spécialistes. En France, ils sont au nombre de trois : Amycel, à Vendôme dans le Loir-et-Cher, Euromycel et Somycel, dans l’Indre-et-Loire.

Le mycélium, une production très contrôlée

Dans ces entreprises, la fabrication du blanc de champignon est réalisée sous des conditions très strictes de température et de propreté. Les différentes souches de mycélium, qui correspondent à des variétés précisément identifiées, sont conservées précieusement en laboratoire. Elles serviront d’inoculum, et ce matériel de départ fera l’objet d’un contrôle, avant la multiplication. Le support de culture est toujours constitué de grains de céréales. On doit ce procédé à un chercheur américain, Sinden, et la technique est devenue universelle depuis les années 1950. Généralement, ce sont le seigle ou le millet qui sont choisis, pour leur qualité d’amidon. Ces grains sont stérilisés à la vapeur, à haute température, pour tuer les germes et éliminer tout risque de contamination. On peut ajouter aussi au mycélium un peu de tourbe ou des copeaux de bois. Puis ces mélanges sont mis en incu-bation, avant le stockage en chambres réfrigérées. Le mycélium est prêt à être vendu. 

Grâce au savoir-faire de ces entreprises spécialisées, le mycélium français a acquis une grande notoriété. Preuve en est, pas moins de 60 % du mycélium utilisé en Europe est produit en France. 

Laure Gry

Au risque de décevoir les gourmands parisiens, le champignon de Paris que l’on trouve sur les marchés et sur les étals des supermarchés, en vrac, en barquettes ou en conserves, n’est pas produit dans la capitale. En France, il vient plutôt de la région de Saumur ou Tours. Alors pourquoi ce nom ?
L’histoire remonte loin. Le champignon de Paris fait partie des « champignons de couche », qui poussent sur du fumier ou du compost, à l’air libre, mais sans lumière. En France, la culture aurait commencé à Versailles, dans les jardins du château, sur une idée de La Quintinie, le jardinier de Louis XIV. La technique se développe alors à plus grande échelle dans les carrières et les sous-sols parisiens. Les catacombes de Paris servent aussi de champignonnières, jusqu’en 1895, date à laquelle commencent les travaux de construction du métro. Une grande partie de la culture est alors délocalisée en Touraine et dans le Val de Loire. Les anciennes carrières d’extraction du tuffeau constituent un habitat idéal pour les champignons. La renommée du savoir-faire français perdure et dépasse largement nos frontières.

Les semences et les plants sont le point de départ de toute culture. Le contrôle de leur qualité est nécessaire. Pour pouvoir être commercialisés, ils doivent répondre à des exigences réglementaires. 
Qu’en est-il pour les champignons ? Bien qu’il ne s’agisse pas de plantes, leur culture commence à partir d’une « semence », que l’on appelle « mycélium » ou blanc de champignon. Pour ce secteur également, le SOC (Service officiel de contrôle et de certification), service technique de l’interprofession des semences et des plants, s’est vu confier une mission pour la certification de mycélium. Mais, contrairement aux grandes cultures agricoles, la certification n’est pas obligatoire. C’est une démarche librement choisie par les opérateurs. D’ailleurs, ce sont eux-mêmes qui sont à l’origine du contrôle. Le règlement technique a été homologué en 2007. A cette date, la filière champignon était en pleine croissance en France et l’objectif était de développer les exportations dans l’Union européenne. Pour prétendre à des aides communautaires, les producteurs de champignons ont fait valoir l’intérêt de faire reconnaître la haute qualité de leurs semences, en France comme à l’international. 
Concernant le contrôle, ce sont les entreprises elles-mêmes qui ont élaboré des méthodes de surveillance, comprenant des inspections visuelles et des analyses, selon les modalités approuvées par le SOC. A chaque étape, il est nécessaire de vérifier l’absence de contamination ou de dégénérescence. Le SOC peut effectuer des prélèvements d’échantillons à tout moment au cours du processus de fabrication. Le mycélium « certifié » porte une vignette officielle de couleur bleue.

Etiquette SOC sur sachet de mycélium ©Gilles Chevalier, SEMAE
 

Les Français consomment près de 2,5 kg de champignons par an. Un quart  seulement des produits vendus dans l’Hexagone sont français. La part du frais ne représente que 25 à 30 %, le reste est commercialisé sous forme de conserve. Le champignon de Paris domine toujours, mais le shiitaké progresse à grands pas.

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