Tomates poivrons et aubergines : la richesse des ressources génétiques

Chaque année, vous découvrez de nouvelles variétés de tomates sur les étals des marchés ou dans votre magasin de jardinage : certaines se conservent bien et résistent aux conditions de transport, d'autres ont avant tout des qualités gustatives, d'autres encore sont plus résistantes au mildiou. Comment sont donc créées ces nouvelles variétés de tomates ? Le patient travail des partenaires du réseau de ressources génétiques des Solanacées est derrière tout ça... et profite à tous.

Un réseau ouvert

La tomate fait partie de la grande famille des Solanacées, tout comme le piment et son proche cousin le poivron, ou encore l'aubergine. Au sein du réseau de ressources génétiques des Solanacées, sont conservées toutes les variétés de ces légumes, des plus anciennes aux plus modernes. Pour créer de nouvelles variétés, les sélectionneurs ont pour base ce matériel génétique. C'est dire la richesse qu'il représente ! Toutes les variétés déjà créées, parfois oubliées des jardiniers, sont ainsi conservées comme des petits trésors, de manière très rigoureuse. Le réseau Solanacées, créé en 1996, réunit trois institutions publiques (l'Inra*, le Geves** et le Cirad***), onze semenciers et deux partenaires associatifs. Ce réseau, ouvert à tout partenariat, fonctionne sur un mode scientifique, selon un cahier des charges très strict.

Conserver, régénérer, identifier

Tout d'abord, il s'agit de conserver les graines, à des températures variables : à 5°C pour certaines espèces et à – 18°C pour d'autres. Ensuite, il faut régénérer ces variétés, c'est-à-dire les cultiver à nouveau, dans des conditions normales, pour s'assurer que les graines sont toujours vivantes et que les variétés correspondent bien à la description qui en a été faite. C'est ce que l'on appelle « maintenir » les variétés. Toutes les variétés sont ainsi maintenues, même les lignées de populations anciennes qui ne sont plus utilisées mais qui serviront de base aux futures sélections. Enfin, il faut regrouper les informations sur toutes ces variétés dans une base de données régulièrement mise à jour. A partir de là, les sélectionneurs disposent d'une source de gènes pour créer de nouvelles variétés répondant aux nouvelles exigences de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement.

Une richesse pour les besoins de demain

Aujourd'hui, le consommateur demande des tomates, des poivrons au goût plus prononcé. L'environnement préoccupe : nos aubergines doivent être moins gourmandes en engrais et pesticides. Demain, ou dans 50 ou 100 ans, qui sait quels seront les besoins, les demandes des consommateurs et des producteurs ? Quelles tomates, quelles aubergines souhaiteront-ils ? Nous ne pouvons pas l'imaginer ! Mais nous devons nous y préparer dès aujourd'hui : les générations futures seront, elles aussi, bénéficiaires de ce travail patient de conservation et de régénération. *Inra : Institut National de la Recherche Agronomique **Geves : Groupe d'Etudes des Variétés et des Semences ***Cirad : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
Le poivron n'existe pas à l'état sauvage : en réalité, ce légume est tout simplement un piment doux. Au fil des années, les hommes ont sélectionné le poivron et ont réussi à lui faire perdre le caractère brulant de ses ancêtres. Le piment, originaire d'Amérique, arrive en Europe en même temps que la tomate, dans les bateaux des conquistadors. Il s'agit alors surtout de petits fruits triangulaires ou allongés. En raison de son piquant, le mot « poivre » est souvent utilisé à l'époque pour désigner certaines variétés de piment : « poivre du Brésil », « poivre de Guinée »... Ainsi, le mot « poivron » serait tout simplement la contraction de « poivre long ».
De très nombreuses plantes de la famille des Solanacées ont marqué fortement l'histoire humaine. Parmi les comestibles, citons bien sûr la tomate, le poivron, l'aubergine mais aussi la pomme de terre ou encore, moins connu, le délicat physalis. Non comestible cette fois, citons le tabac, trop célèbre sans doute, dont certaines variétés trouveront bonne place au jardin d'ornement, tout comme le pétunia, le datura, elles aussi de la même famille. La mandragore, la jusquiame, la belladone, sont quant à elles de troublantes cousines et de réelles empoisonneuses. C'est d'ailleurs en raison de sa parenté avec la mandragore que la tomate dut patienter avant que les savants européens lui donnent une place sur les tables. Toutes les Solanacées contiennent, il est vrai, des alcaloïdes et à ce titre, sont vénéneuses à un moment donné de leur développement : il faut par exemple éviter de consommer la partie verte des pommes de terre.
Tandis que tomates et piments sont venus d'Amérique au XVIme siècle, l'aubergine est originaire du continent asiatique. Sa culture débute en Inde et en Birmanie il y a moins de trois millénaires. Elle est ensuite adoptée en Chine et finit par débarquer sur les côtes méditerranéennes en même temps que l'islam : l'Egypte, le Maghreb, l'Andalousie découvrent l'aubergine sans doute aux alentours du 9ème siècle. Après avoir conquis et enrichi la cuisine de ces régions, la voilà, au 16ème siècle, en route vers le nouveau monde : séchée, elle sert de nourriture aux conquistadors pendant leur long voyage en bateau ! Elle trouvera d'ailleurs aux Antilles un climat qui lui convient parfaitement. En Europe, malgré son triomphe andalou, elle ne plaît pas partout : on la trouve trop amère ou trop âcre. Elle a tendance à noircir une fois coupée et pelée : on la soupçonne de maléfices, on la confond avec sa proche parente, la mandragore. En région parisienne où les jardins la découvrent au début du XIXème siècle, on ne lui accorde pas beaucoup d'attention en cuisine. Ce n'est qu'au cours de ces trente dernières années qu'elle conquiert enfin nos fourneaux.
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