Le sorgho : faire rimer agriculture et biodiversité

L'histoire millénaire de la domestication du sorgho a conduit à une grande variabilité pour cette céréale. Pour nourrir les hommes et les animaux, elle s’est adaptée à des conditions environnementales diverses. Elle est aussi à l’origine de débouchés originaux dans les domaines de l’énergie et des biomatériaux.

Une plante rustique méconnue en France

Cette grande plante qui évoque le maïs n'est pas encore répandue dans nos contrées. Cette céréale est assez méconnue dans les régions du sud-ouest et peu représentée en France, contrairement à l'international, explique Patrice Jeanson, sélectionneur du groupe Euralis et président de Pro-Sorgho. Le sorgho (je pousse en italien) est la 5ème céréale, en volume et en surface dans le monde, après le maïs, le riz, le blé et l'orge. Apparue dans une zone subtropicale caractérisée par une saison sèche marquée, le sorgho originel présente des caractéristiques rustiques, dont une forte capacité à extraire l’eau du sol grâce à un système racinaire performant.

Une forte diversité génétique liée aux migrations millénaires

Les origines du sorgho remontent à plusieurs millénaires, au cœur de l'Afrique sub-saharienne. Cette plante a été domestiquée environ 8.000 ans avant JC en Ethiopie et au Soudan, puis a été emmenée au gré des migrations 4.500 ans avant JC vers l'Afrique de l'Est et du Sud, via le Proche et le Moyen-Orient, puis 3.000 ans avant JC vers l'Inde et le Pakistan et jusqu'en Chine, un millénaire plus tard. Vers 2.000 ans avant JC, elle a gagné l'Europe grâce au peuple romain, avant de passer vers le Nouveau Monde, au 16ème siècle, raconte Patrice Jeanson. Elle a été domestiquée localement dans des environnements différents, donnant lieu à une importante diversification. Aux côtés des espèces sauvages, il existe cinq principales variétés réparties entre l’Afrique et l’Asie. Sur une parcelle de la société Euralis, les différences variétales sont visibles: taille et forme du grain, présence d’enveloppe autour de celui-ci, hauteur de la plante, forme de l’inflorescence, etc. Les centres de domestication secondaire ont donc joué un rôle essentiel dans la diversification. En Afrique de l'Ouest, le climat est caractérisé par deux saisons très marquées (une saison sèche et une saison des pluies), propices à l'émergence de variétés à cycle court (semées en fin de saison des pluies) et de variétés à cycle long (semées avant la saison des pluies). Au Proche-Orient, la longue durée de la saison sèche est à l’origine de populations toujours plus rustiques, résistantes à la sécheresse. « En Chine, du fait de la diversité des paysages et des climats, tous les profils de sorgho ont été domestiqués, en particulier ceux adaptés aux plus basses températures », poursuit le spécialiste.

Une graminée essentielle pour la sécurité alimentaire

Le sorgho est vital dans certaines régions pauvres. « Dans les pays industrialisés, le sorgho sert surtout pour l'alimentation animale, mais dans les pays en développement, il est à la base de l'alimentation humaine », décrit Patrice Jeanson. 90 % des superficies cultivées dans le monde se trouvent dans les pays en développement. Les Etats-Unis sont toutefois le premier producteur mondial, suivis du Nigéria, de l'Inde et du Mexique. Le sorgho permet de préparer des boissons comme la bière ou le saké, des bouillies fines typiques de la cuisine africaine ou asiatique, des pains non levés semblables aux tortillas en Amérique, ou même des couscous en Afrique du Nord. Comme elle ne contient pas de gluten, cette céréale est intéressante dans le cadre des allergies.

Des débouchés originaux

« Le sorgho peut également servir à bien d'autres usages », s'enthousiasme Patrice Jeanson. Les sorghos riches en fibres sont utilisés pour la production de biomasse industrielle (pâte à papier, combustible, bois, etc.). D’autres applications existent : la cosmétique s'intéresse à une molécule capable de limiter les déperditions en eau; certains pigments des sorghos teinturiers sont utilisés pour la coloration des cheveux ou des tissus ; les tanins sont destinés au travail du cuir… Cette plante apporte aussi sa touche à la révolution énergétique. Certains sorghos permettent la production d’électricité et de chaleur, via la méthanisation. La combustion ou la fermentation alcoolique des sorghos sucriers permettent la production de biocarburant. « Demain, les sorghos sont attendus dans d'autres domaines, en tant que biomatériaux de construction par exemple. Leurs fibres sont étudiées pour faire des parpaings ou des panneaux d'isolation, leurs grains pour le développement de bioplastiques utiles à l'industrie automobile », explique Patrice Jeanson. Article issu de la journée Biodiversité organisée par l'interprofession des semences et plants le 21 septembre 2011 à Pau-Montardon.

Pour que le sorgho continue de jouer son rôle dans l’alimentation et que ses débouchés potentiels deviennent réalité, les sélectionneurs créent de nouvelles variétés adaptées. Ils piochent dans le pool génétique que la domestication a engendré, conservé dans différents pays : à l’Icrisat, en Inde (40.000 variétés) ; à l'USDA, aux Etats-Unis (42.000 variétés) ; en Russie, à l'Institut Vavilov (4.000 variétés). En France, le CIRAD est le principal conservateur (plus de 2.170 variétés). L’importance de la biodiversité est régulièrement mise sur le devant de la scène depuis la Conférence de Rio en 1992. Dans le domaine végétal, elle se caractérise par un formidable patrimoine de plantes cultivées, intimement liées à leurs cousines sauvages. Cette variabilité génétique est indispensable pour développer des moyens de lutte contre les ravageurs ou une adaptation à de nouvelles conditions environnementales.
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