De plus en plus de légumineuses dans nos assiettes

La transition vers plus de protéines végétales dans l’alimentation humaine est en route. Cette diversification protéique profite aux légumineuses que sont les pois et féveroles.

La végétalisation de l’assiette se renforce, au profit des légumineuses. Ici des féveroles. © Le Gouessant

C’est mathématique, l’augmentation de la population mondiale (1) entraîne une demande alimentaire croissante en calories et protéines. Si une vive augmentation de la demande en viandes et produits laitiers est constatée en Asie et en Afrique, la consommation de protéines animales est en baisse régulière depuis plus de vingt ans en France et en Europe (2). Moins de 6 % des Français sont végétariens mais le flexitarisme est en progression. 24 % des Français se disent flexitariens (3). Selon Protéines France, 22 % des Français déclarent, en 2022, avoir changé leurs habitudes alimentaires depuis un an et manger plus de protéines végétales (4). Ces changements de régime et la recherche d’alternatives à la viande, sont motivés par de multiples considérations : une préoccupation écologique tournée vers l'empreinte environnementale de l’élevage, le bien-être animal, la réduction des risques de maladies cardio-vasculaires, le prix de la viande bovine, ainsi qu’une offre correspondant moins aux attentes des nouvelles générations (5). Toujours selon Protéines France (6), les légumineuses sont citées par 41% des Français comme la troisième source de protéines la plus importante, derrière la viande et les œufs, mais devant le poisson. On regroupe sous le terme légumineuses, les légumes secs (pois chiche, lentille, haricot) mais aussi la féverole, le lupin, le pois et le soja.

Transition protéique

Pour autant, les protéines végétales ne représenteraient que 30 à 40% de l'apport protéique dans l’alimentation humaine en France. Près d’un habitant sur deux (48 %) mange des légumineuses au moins une fois par semaine. Mais seuls 18 % en consomment autant que le recommande Santé Publique France, c’est-à-dire au moins deux fois par semaine (7). Chacun consomme en moyenne 1,8 kg de légumineuses par an (8). C’est quatre fois moins que la moyenne mondiale. La marge de progrès est donc considérable. D’ailleurs, l’offre et la consommation de produits à base de protéines végétales explose : +10% entre 2020 et 2021 (9). Le soja, les céréales mais aussi les légumineuses entrent dans la fabrication des steaks végétaux, boulettes, nuggets, fallafels, snacking, boissons et yaourts végétaux. 44% des Français déclarent avoir déjà acheté des produits à base de protéines végétales (6). Mais si les légumineuses sont reconnues pour leurs intérêts nutritionnels et gustatifs, elles souffrent encore d’un déficit d’image pour les non consommateurs qui les considèrent comme difficiles à cuisiner et peu appétissantes… L’Inrae estime qu’il faut “mettre à disposition des solutions industrielles pour faciliter la préparation des légumineuses et les rendre davantage consommées par le plus grand nombre”.

Des protéines en lamelles

C’est ce que fait l’Ufab, la filiale bio de la coopérative bretonne Le Gouessant. Elle fabrique des ingrédients alimentaires à base de pois et féveroles bio cultivés localement. Les graines de protéagineux sont décortiquées puis les fractions protéines, amidon et fibres sont séparées par voie mécanique et réduites en poudre. “Ces trois farines peuvent être utilisées par lindustrie agroalimentaire pour la préparation de sauces, de plats cuisinés et de gâteaux”, expose Thomas Delourme, développeur de l activité à l’Ufab. La farine protéique peut ensuite être transformée en lamelles structurées par un procédé de cuisson et d’extrusion. On obtient alors des PVT, protéines végétales texturées. “Elles sont faciles à utiliser, elles se réhydratent en quelques minutes. De même forme, couleur et élasticité en bouche, elles peuvent remplacer la viande dans une sauce bolognaise ou une moussaka par exemple.” Elles sont également dépourvues d’allergènes. Le process industriel uniquement mécanique et thermique, sans chimie et peu gourmand en eau, est respectueux des matières premières. L’Ufab ambitionne ainsi de développer une filière locale de protéines végétales en transformant, en 2025, la récolte de 1750 ha de pois et féveroles. En 2022, la France compte 210 000 ha de pois et 73 000 ha de féveroles.

Sabine Huet

(1) 7,7 milliards en 2019, 8,5 milliards en 2030 et 9,7 milliards en 2050 (World Population Prospects 2019, Volume II : Demographic Profiles, ONU.)
(2) La consommation de viande par les Français, en particulier de viande bovine, est passée de 93 à 85 kg/ personne/an de 1990 à 2019 selon l'OCDE, de 106 à 89 selon Agreste Graph'Agri 2020.
(3) Végétariens et flexitariens en France en 2020, FranceAgriMer, 20 mai 2021.
(4) Baromètre consommateurs 2022 : la notoriété des protéines végétales augmente (consulter en ligne).
(5) Végétariens et flexitariens en France en 2020, op. cit.
(6) 6e édition du baromètre Protéines France, enquête réalisée entre mai et juin 2022 auprès d'environ 1 000 consommateurs.
(7) Etude CREDOC d’avril et mai  2021 conçue dans le cadre de Cap Protéines, le programme de recherche, développement, innovation et transfert du Plan Protéines lancé par les pouvoirs publics dans le cadre de France Relance.
(8) Selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
(9) Source Nielsen IQ.

C’est par hasard que Béatrice Maire, chocolatière artisanale à Beuvraignes dans la Somme, a découvert la féverole. Intriguée par cette légumineuse produite localement et  consommée exclusivement par les animaux, elle décide de la travailler. Fin 2017, la pâte à tartiner Tartimouss (45% de féverole) voit le jour. D’un goût subtil, de faible index glycémique, riche en protéines et en fibres, pauvre en acides gras saturés et en sucre (nutriscore A), le succès est immédiat. Deux ans plus tard, elle lâche les chocolats pour se consacrer à la féverole et oeuvre depuis pour structurer une filière (production, collecte, stockage, transformation). Elle développe d’autres produits, des féveroles décortiquées à consommer comme un légume sec (8 min de cuisson) mais aussi de la farine, des soupes, de la polenta et une fondue au chocolat. En 2022, elle édite “Des féveroles dans vos casseroles”, un livre avec 35 recettes pour cuisiner les petites graines.

Aujourd’hui, Béatrice transforme 10 tonnes de féveroles par an, issues des producteurs bio locaux. Son choix s’est porté sur deux variétés pour leur goût et l’absence de vicine convicine, des composés responsables du favisme (1). Ses produits sont distribués dans des magasins bio et spécialisés, une Amap et sur la boutique en ligne. Les projets de cette entrepreneuse pleine d’énergie ? “Vendre dans les grandes surfaces au niveau national et travailler avec la restauration collective pour proposer des féveroles dans les assiettes”, répond-elle.

Pour en savoir plus : www.grainedechoc.com

(1) Maladie génétique impliquant un déficit en une enzyme, la glucose-6-phosphate déhydrogénase (G-6-PD) indispensable pour la survie des globules rouges. 

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