La biodiversité, c'est la caverne d'Ali Baba

Sébastien Chatre - Sélectionneur tournesol - RAGT

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Sébastien Chatre - Sélectionneur tournesol - RAGT
Circuler dans la campagne et reconnaître les variétés de tournesol que l’on a participé à créer, voir que les utilisateurs (agriculteurs, organismes stockeurs, huiliers) apprécient et utilisent nos variétés, c’est pour moi le plus grand plaisir de ce métier et la plus belle reconnaissance. Nous participons modestement au progrès alimentaire pour l’homme ou l’animal. Nous amenons notre petite part, d’autres améliorent la qualité nutritionnelle du maïs pour les ruminants, certains nous proposent des fruits, etc.

Quelles sont vos « sources » pour l’amélioration des plantes ?

La biodiversité, c’est la caverne d’Ali Baba. La nature nous propose beaucoup de solutions et a une capacité à s’adapter et à répondre aux évolutions de manière extraordinaire. Il suffit de chercher, la réponse est souvent la variabilité génétique de l’espèce. L’espèce tournesol, par exemple, est immense, avec beaucoup de sous-espèces et d’espèces apparentées. La très grande majorité des solutions proposées aujourd’hui sur cette espèce sont génétiques et proviennent de caractères favorables identifiés au sein de l’espèce.

Que faites-vous pour les préserver et les régénérer ?

Des programmes de recherche, souvent publics ou en collaboration avec des entreprises comme la nôtre, sont mis en place pour maintenir et préserver cette biodiversité. C’est la base de notre métier, c’est l’essence même de l’amélioration des plantes. Quand on a compris cela, on a compris l’importance que l’on donne au soutien de ces programmes de recherche.

Qui peut les utiliser ? Sont-elles accessibles à tous ?

Oui, les collections de matériel génétique sont identifiées, caractérisées, multipliées et accessibles à tous dans le respect des obligations internationales signées par la France. Elles ne sont aucunement la propriété de sociétés privées.

Comment identifiez-vous les attentes de la société ? Comment y répondez-vous dans votre métier de sélectionneur ?

Le sélectionneur est par définition à l’écoute des attentes de la société. Il crée les variétés qui seront cultivées demain. Comme il faut une dizaine d’années pour créer une variété, nous travaillons déjà sur les besoins de 2020 et après… C’est un travail de longue haleine qui ne s’effectue pas seul et les interactions avec les acteurs de la filière (agriculteurs, industriels, consommateurs) entrent pour une grande part dans nos décisions.

Citez-nous quelques exemples concrets d’amélioration végétale

Pour la sélection du tournesol, aujourd’hui, nous produisons deux fois plus d’huile qu’il y a 40 ans pour un hectare cultivé. La production et l’utilisation ont aussi fortement augmenté. Sans ce progrès génétique, l’huile de tournesol serait un produit de luxe inaccessible pour la majorité des consommateurs. Autre exemple, toujours sur le tournesol, la tolérance à des maladies comme le mildiou ou le phomopsis, pour lesquelles des résistances venant de tournesols sauvages ont été trouvées et introduites. Outre la sécurité de rendement pour l’agriculture, cela contribue également à diminuer l’utilisation de produits phytosanitaires.

Comment est financé ce travail de recherche ?

A l’image d’Airbus qui finance ses efforts de recherche par ses ventes d’avions, les efforts de recherche de création variétale sont financés par les ventes de semences. Nos sociétés ne vendent généralement pas directement aux agriculteurs mais plutôt à des coopératives ou des distributeurs. Une part de la vente revient à l’effort de recherche pour créer de nouvelles variétés et corriger ou améliorer les variétés existantes. Les variétés cultivées demain sont ainsi en cours de développement et leur financement est réalisé par les ventes actuelles. Il faut savoir que notre métier demande des efforts de recherche colossaux. Nous investissons près de 15% du chiffre d’Affaires dans la recherche, alors que ce taux est de 1 à 2% pour l’ensemble du secteur agroalimentaire.

Quel est l'intérêt du « certificat d'obtention végétale » ?

Le Certificat d’obtention végétale (COV) permet de reconnaître ce travail effectué par le sélectionneur en lui octroyant un droit de propriété sur une variété, qui l’autorise à percevoir un juste retour à chaque fois que sa variété est utilisée ou vendue. Par contre, contrairement au brevet, la variété reste accessible librement pour tous travaux de sélection. La biodiversité est ainsi préservée.
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