Faire son potager, est-ce rentable ?

La question revient souvent chez les jardiniers amateurs : est-ce économiquement intéressant de faire son propre potager ? Si d’après les études, une minorité d’entre eux semblent approcher l’autonomie en fruits et légumes, les retombées sont bien plus larges que le seul argument financier.

D'après une enquête SEMAE-Kantar de 2021, les jardiniers amateurs recherchent avant tout du goût et de la qualité sur les fruits et légumes qu'ils produisent. © Olivier Lévêque

Plaisir de jardiner...ou envie de moins dépenser ? La motivation derrière un potager peut se poser !  D’après une enquête réalisée durant l’hiver 2024-2025 auprès de 600 jardiniers amateurs de l’agglomération de Caen, la majorité d’entre eux déclaraient cultiver leur potager avant tout par plaisir et pour manger plus sainement (plus de 50 %). Ils semblaient moins nombreux à viser une diminution des dépenses alimentaires (18,5 %), ou vouloir améliorer leur autonomie alimentaire (11,5 %), relate Maxime Marie, enseignant chercheur à l’Université de Caen-Normandie, en charge de l’enquête. 
« À la question de savoir si leur potager pouvait constituer une ressource pour faire face à une situation économiquement difficile – comme l’inflation, ou une perte de revenu - une majorité des répondants ont déclaré que cela n’aiderait pas réellement, un tiers que cela aiderait de façon limitée, et moins de 15 % que leur potager constituerait une ressource importante », indique le chercheur. À noter : 50,5 % des jardiniers enquêtés étaient retraités. Les jardins, quant à eux, mesuraient de 10 à 40 m² pour plus de la moitié. Ces résultats confortent une enquête SEMAE - Kantar de 2021, où la recherche d’économies n’était pas considérée comme objectif premier des jardiniers (66 % tout de même). La principale motivation se trouvait dans la recherche de goût et de qualité (98 % des réponses !).
 

Un tiers des Français possède un jardin

En France, 34 % des ménages ont un jardin d'agrément et 19 % ont un jardin avec un potager ou un verger (étude Insee, 2021). Naturellement, cela est plus fréquent dans les communes rurales : 42 % des ménages y ont un jardin avec potager ou verger. 
D’après cette même étude, l’économie réalisée par l’ensemble de l’autoconsommation s’élevait à 110 euros sur un budget mensuel de 570 euros, soit un cinquième (principalement légumes et fruits, mais aussi œufs, produits laitiers, miel, confitures ou viandes). Selon le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL), qui a interrogé un panel d’amateurs en 2021, la réelle autosuffisance du jardin « potager-verger » ne serait assurée que pour 5 % de jardiniers. 

Des coûts non négligeables

Un des freins majeurs au jardinage amateur réside dans le temps nécessaire, mais aussi le coût associé. S’occuper de son potager génère des dépenses, peut-être plus que par le passé, souligne Anoucha Joubert, étudiante d’Agro Paris Tech, dans une étude réalisée en 2024 à l’initiative de la Société nationale d’Horticulture de France (SNHF). « Annuellement, il faut acheter des produits de jardinage, des plants ou des semences, éventuellement inclure le poste arrosage qui fluctue selon les pratiques culturales retenues et les conditions météorologiques. »
Cette étude d’Agro Paris Tech et de la SNHF relatait de son côté des gains annuels, allant de 300 € à 3 400 € pour les jardiniers des jardins familiaux (anciennement appelés jardins ouvriers), et de 135 € à 5 000 € pour les jardins privés...montrant au passage de très grandes variabilités.

Des bénéfices multiples

Faut-il pour autant chercher à rentabiliser son potager ? Si, au cours de la dernière décennie du XXe siècle, le potager contribuait principalement à assurer un certain degré d’autoconsommation réduisant d’autant le budget alimentaire familial, cela a bien évolué, poursuit Anoucha Joubert. Trois décennies plus tard, des bénéfices nouveaux semblent apparus. Outre la recherche d’une alimentation de meilleure qualité avec les effets escomptés sur la santé comme précédemment évoqué, le jardinage contribue à renforcer le lien avec la nature, ainsi que les liens intergénérationnels et, plus généralement, les liens sociaux à travers de nouvelles formes collectives de jardinage. Produire ses légumes sensibilise à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Chez les nouveaux jardiniers, et principalement chez les néoruraux, on observe une hybridation entre des pratiques traditionnelles de jardinage d’autoconsommation et des engagements avec des motivations plus contemporaines citées précédemment.
Des bénéfices financiers peuvent aussi se retrouver pour les collectivités territoriales (communes, communautés de communes ou d’agglomération), mettant à disposition leurs terrains auprès d’associations ou de particuliers, évitant ainsi des frais d’entretien (chiffrés parfois à plusieurs dizaines d’euros par mètre carré, rappelle l’étude Agro Paris Tech-SNHF). Alors, s’il reste compliqué d’estimer le gain économique réel pour les jardiniers ou pour les collectivités, la pratique du jardinage semble quant à elle toujours gagnante, à tous points de vue !

Olivier Lévêque
 

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