La filière semences mobilisée pour répondre au changement climatique

La filière semences aussi est confrontée au changement climatique. Actrice majeure de la transition agroécologique, elle est prête à relever les défis pour les années à venir et ainsi, assurer la souveraineté alimentaire du pays. Agriculteurs multiplicateurs, chercheurs, semenciers, politiques... se sont retrouvés le 5 septembre 2025 à Ménitré, dans le Maine-et-Loire au siège de Vilmorin-Mikado, pour participer à la 1ère journée interprofessionnelle Ouest organisée par Semae. L’objectif : échanger sur les atouts de la filière et identifier les leviers de progrès.

Journée interprofessionnelle SEMAE ouest ©Anne Gilet

La profession souhaite un cadre réglementaire clair

Parmi elles, Pierre Pagès, président de Semae, qui, en introduction, n’a pas hésité à s’adresser aux élus présents : Anne-Laure Blin, députée du Maine-et-Loire et Patricia Maussion, conseillère régionale des Pays-de-la-Loire. « En France, les semences représentent une filière d’excellence, mais qui reste fragile. Les entreprises semencières, tout comme les agriculteurs-multiplicateurs, ont besoin de stabilité et de sécurité pour se projeter. S’adapter aux défis de demain, c’est possible : à condition d’innover. Dans un contexte où l’impact du changement climatique ne cesse de s’accélérer, recourir aux nouvelles technologies devient donc indispensable pour aller plus vite. » Citant le flou autour des NGT (Nouvelles techniques génomiques), le retrait de molécules phytosanitaires ou les contraintes d’accès à l’eau, il a insisté pour que les « politiques définissent un cadre réglementaire clair et efficace », sans rogner sur le soutien financier à cette filière, via notamment les appels à projets et le crédit d’impôt recherche (CIR). L’enjeu est clair : préserver l’activité de recherche et de multiplication sur le territoire. Car sans semences, pas de production de légumes, de céréales, d’oléagineux... « En deux ans, près de 2 000 agriculteurs-multiplicateurs (sur 19 000) ont cessé leur activité », a-t-il rappelé.

Pour la filière semences et plants, le changement climatique est déjà une réalité. Pics de chaleur de plus en plus fréquents, restriction d’eau pour l’irrigation lors d’années sèches, apparition de nouveaux parasites... L’enjeu est, pour les années à venir, de réussir à préserver les capacités de production pour garantir la souveraineté agricole et alimentaire du pays. Dans la région des Pays-de-la-Loire, première région française pour la diversité des espèces multipliées, tous les acteurs de la filière ont conscience des défis à relever. Pour échanger et partager les pistes d’action déjà identifiées, Semae les avait conviés, le 5 septembre, à la 1ère journée interprofessionnelle autour du thème : « Comment la filière semences et plants accompagne la transition agroécologique et le changement climatique ». Près de soixante personnes étaient présentes.

Mieux résister aux stress biotiques et abiotiques

Pour Dominique Amilien, directeur général de Vilmorin-Mikado, préserver la compétitivité de la filière passera assurément par l’innovation variétale. Il a d’ailleurs insisté sur le fait que l’objectif d’une société de recherche comme la sienne était de « répondre à plusieurs demandes : aux attentes des agriculteurs sur le plan des résistances aux maladies et aux ravageurs ; à celles des industriels en termes de process mais aussi à celles des consommateurs en termes de goût, d’aspect visuel et de conservation. Autant de critères de sélection, parfois antagonistes, qu’il n’est pas toujours facile de regrouper sur une même variété, dans un environnement en perpétuelle évolution », assure-t-il. Les chercheurs doivent, dès aujourd’hui, se projeter sur ce que pourraient être les contraintes de production et les attentes des clients dans 10 ans. Pas simple alors que le rythme d’évolution des parasites et des maladies s’accélère ! Car oui, mettre

au point une nouvelle variété prend, en moyenne, une dizaine d’années. Cela nécessite du temps et de lourds investissements. Mais les méthodes de sélection et les outils technologiques évoluent pour gagner en performance. Citons par exemple le recours au marquage moléculaire, à l’intelligence artificielle (IA), aux statistiques, aux drones... Parmi les avancées de ces dernières années, Dominique Amilien a notamment cité la mise au point d’une variété de tomate tolérante au virus du fruit rugueux brun de la tomate et de laitues résistantes au fusarium : des avancées qui permettent dès lors de préserver la rentabilité des exploitations agricoles. Les enjeux de sélection se mesurent aussi en terme de résistance au stress hydrique ou d’efficience d’utilisation de l’azote pour limiter les apports. Introduire un nouveau critère, sans réduire la performance de la variété déjà mise au point, s’avère parfois un exercice difficile. D’où l’importance de mutualiser les recherches entre instituts publics et privés pour centraliser les banques de données et les ressources génétiques.

Accompagner la transition agroécologique

Pourquoi est-il si important d’innover ? Pour s’adapter aux évolutions climatiques et au retrait du marché de certains intrants, pour mettre au point de nouveaux modes de production, pour développer de nouveaux outils de sélection – signes de gain de temps et de performance - , pour créer de nouvelles associations d’espèces ou de variétés, plus résilientes, incluant par exemple des couverts végétaux. Pour une exploitation agricole, accompagner la transition agroécologique passe aussi par une meilleure gestion de l’eau - en recourant à des outils de pilotage - ou par l’implantation de cultures attractives pour les pollinisateurs et les auxiliaires de cultures. D’ailleurs, les agriculteurs-multiplicateurs n’hésitent plus, eux aussi, à installer des bandes fleuries au bord de leurs parcelles. Autant d’exemples qui ne demandent qu’à être dupliqués, dans toutes les régions.

Anne Gilet

Lucien Laize est agriculteur multiplicateur de semences de légumes bio dans le Maine-et-Loire. « Je multiplie une trentaine d’espèces sur 20 ha, en plein champ et sous tunnels, explique-t-il. Lors de périodes de canicule, pour diminuer l’impact des fortes chaleurs sous les tunnels, j’ai réduit leur taille : pas plus de 8 m de long. L’aération est ainsi plus facile. Face à la disparition de solutions chimiques, nous nous devons d’innover, surtout en bio. Le travail du sol, l’implantation de couverts végétaux pour augmenter le taux de matière organique, la gestion optimisée de la fertilisation, l’allongement des rotations, l’association d’espèces... autant de solutions qui permettent de limiter la pression des ravageurs. Un sol « vivant » s’adaptera mieux. Mais cela ne suffit pas toujours. Pour diluer les risques, je multiplie le nombre d’espèces travaillées au cours d’une année. Pour autant, l’activité de multiplication reste très risquée car fortement dépendante du climat : d’où la nécessité de soutenir l’innovation pour que les semenciers nous proposent des variétés plus résistantes aux différents stress subis par les plantes. »

En février 2024, Axa Climate, la filiale du groupe d’assurance, a, en partenariat avec Semae, réalisé une étude sur l’évolution de la production de semences en France, sur plusieurs espèces, d’ici à 2030 et 2050 : et ce, en tenant compte de l’évolution du climat. De cette étude est né l’outil Altitude Semences. Il sera, dès 2026, mis au service des établissements semenciers. L’enjeu : évaluer le risque climatique sur les productions agricoles pour les années à venir, en tenant compte des spécificités locales de l’exploitation, de la typologie des sols et des cultures pour faire, si besoin, évoluer l’itinéraire technique (date de semis, pilotage de l’irrigation...) ou opter pour une espèce mieux adaptée à ce contexte.

- 1ère région française pour la diversité des espèces cultivées en production de semences

- 33 000 ha de semences sont implantés chaque année dont certaines espèces à forte valeur ajoutée comme le maïs, les potagères ou le chanvre

- 1800 agriculteurs multiplicateurs, soit 10 % de tous les multiplicateurs français

- 34 sites de productions

- 12 établissements de sélection

- 26 % de la production nationale de plants de légumes

- Un savoir-faire historique illustré par la présence de nombreux acteurs de la filière : structures de recherche, entreprises de sélection végétale et de production de semences et plants, agriculteurs-multiplicateurs, établissements d’enseignement agricole, horticole et agronomique, pôle de compétitivité…

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