L’agriculture, une solution pour stocker le carbone

Dans la lutte contre le changement climatique, l’agriculture est pointée du doigt comme une des importantes sources d’émission de gaz à effet de serre (GES) et notamment de CO2. À la différence des autres secteurs, l’agriculture peut inverser la donne et devenir une source de captation de carbone. Les agriculteurs agissent déjà pour minimiser leurs émissions.  

Les couverts végétaux, ici en Sologne, encouragés par l’agriculture de conservation, font partie des systèmes agricoles qui réduisent les GES. ©Agriculture de conservation - G. Bodovillé

L’agriculture est responsable de 19 % des GES

L’agriculture est le deuxième poste d’émissions de GES de la France après les transports et à quasi-égalité avec la consommation des ménages et les industries (1). Pourtant, le cycle énergétique d’une plante (la photosynthèse) capte le CO2 de l’air, utilise le carbone pour sa croissance et rejette de l’oxygène. Alors, pourquoi autant d’émissions ? 
Tout d’abord, parce que le secteur agricole ne se résume pas qu’aux cultures, mais comprend l’élevage, la fertilisation minérale et organique ou encore les engins agricoles et sylvicoles qui émettent des GES… Plus globalement, la transformation des aliments, leur conservation et leur transport font de l’agriculture un émetteur net de GES. 
Néanmoins, les efforts sont réels et on note une diminution d’émission de GES du secteur de 8 %, de 1990 à 2019 en France (1), alors que l’ambition globale est la neutralité carbone en 2050. 

Changer les pratiques agricoles

Séquestrer plus de carbone dans les sols est devenu un enjeu réel pour l’agriculteur qui peut même en tirer un bénéfice économique sous forme de crédits carbone (voir encadré), avec un prix de la tonne de CO2 à près de 50 euros. Pour cela, il doit prouver sa diminution d’émissions de GES, en faisant certifier ses changements de pratiques.

Par exemple, le maintien et le développement des haies, des prairies permanentes et des zones humides sont des facteurs positifs.  Les agriculteurs introduisent des cultures intermédiaires (comme des mélanges de légumineuses), des cultures intercalaires (couverts entre les cultures) et des bandes enherbées sur les bords des parcelles… On observe ainsi de moins en moins de terres « nues » pendant la période d’hiver, et de plus en plus de rotations. Ces modes culturaux, comme l’introduction de légumineuses, réduisent les besoins en fertilisants et augmentent la biodiversité cultivée.

La matière organique du sol constitue un réservoir de carbone

En réduisant l’usage des tracteurs et des engins agricoles, en maîtrisant l’usage des intrants (engrais mais aussi pesticides), les agriculteurs peuvent éviter l’érosion et la minéralisation des sols qui sont sources d’émissions de GES.  La matière organique du sol devient un puits de carbone. L’agriculture régénératrice (qui promeut les techniques permettant d'augmenter la teneur organique des sols pour en améliorer la fertilité) ou encore l’agriculture de conservation (qui privilégie la réduction du travail du sol et qui encourage la diversification des espèces végétales ainsi qu'une couverture permanente du sol par des cultures ou des couverts végétaux), sont des systèmes agricoles qui réduisent les GES.

Des variétés adaptées

Les recherches variétales sont primordiales pour améliorer la captation du carbone. Elles reposent en premier lieu sur une meilleure compréhension génétique de la photosynthèse, qui est une voie très complexe chez les plantes. Il est possible d’évaluer des combinaisons de gènes favorables et les chercheurs s’intéressent à des ajouts de gènes pour stimuler la photosynthèse ou encore à les modifier finement pour en maximiser le rendement.

Les recherches portent aussi sur des plantes qui développent des systèmes racinaires plus ramifiés (voir encadré), sur des plantes de couverture ou encore sur des mélanges de légumineuses, en lien avec toutes les connaissances qui se développent autour des relations entre les plantes, les microorganismes et le sol.

Capter le carbone via la biomasse et l’enfouissement des résidus

Avec de bonnes pratiques agricoles et des variétés adaptées, l’agriculture peut ainsi devenir un puits de carbone et réduire les émissions de GES liées à ce secteur. Cependant, le stockage de carbone dans le sol est, par nature, temporaire, et l’augmentation de la température augmente la vitesse de biodégradation des matières souterraines qui relâchent du CO2.Il faut donc coupler ces efforts avec d’autres démarches, notamment dans le domaine de l’élevage qui est émetteur net de méthane et de CO2.

Marie Rigouzzo

(1) Source : notre-environnement.gouv.fr

Un crédit carbone correspond à une tonne de CO2 atmosphérique émise en moins ou stockée en plus dans le sol. Pour le calculer, un organisme indépendant réalise un diagnostic carbone et on évalue les réductions des émissions possibles au bout de cinq ans, selon l’évolution des pratiques. La compensation carbone est donc basée sur la différence d’émissions de GES entre le diagnostic initial et l’audit final. Cette différence sera d’autant plus importante que les pratiques évoluent drastiquement. Les agriculteurs peuvent ensuite vendre ces crédits carbone à des entreprises ou à des collectivités.

L’architecture racinaire est fortement liée au génome. Différentes techniques permettent aujourd’hui de cartographier les très nombreux systèmes racinaires et de les corréler à la croissance générale des plantes. Les travaux les plus avancés portent sur le riz et les légumineuses qui présentent des systèmes ramifiés et touffus. Ces systèmes semblent offrir une meilleure adaptation à la sécheresse, une amélioration de la fertilisation et permettent à la plante de mieux résister aux maladies. L’objectif est donc d’identifier les gènes de cette architecture racinaire pour introduire ces nouveaux caractères dans les programmes d’amélioration, tant pour optimiser la production que pour capter davantage de carbone.

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