La betterave fourragère, cousine de la betterave rouge du potager

Ses feuilles larges et entières, érigées en bouquet et légèrement luisantes sous le soleil la rendent très distincte pour les habitants de la Bretagne et de la Haute-Normandie… Il s’agit de la betterave fourragère, cette plante dont le goût sucré fait le délice des animaux d’élevage. Quelles sont ses caractéristiques et qu’a-t-elle de commun avec la betterave de notre potager ?

Champ de betteraves fourragères © Julien Greffier

La betterave fourragère, destinée à l’alimentation animale (fourrage), est très commune dans les bassins laitiers de l’Hexagone. Elle se remarque dans les champs à partir de juillet, lorsqu’elle offre au vent ses bouquets de feuilles ovales et charnues. C’est la forme si particulière de sa tige (hampe florale), inclinée sous le poids des graines, qui lui a valu l’attribution par les Romains du nom de Beta, en l’honneur de la lettre grecque du même nom. Mais le plus souvent, vous ne verrez pas cette fameuse hampe florale. Car tout comme la carotte, la betterave est une plante « bisannuelle » : il faut attendre deux ans pour qu’elle fleurisse. Seuls les entreprises de production de semences et les agriculteurs-multiplicateurs de semences la cultivent donc pour récolter ses graines, et patientent pour cela deux années. Les éleveurs, eux, sèment de la betterave au printemps, pour que les animaux pâturent les plantes dès l’automne suivant, quand racines et feuilles sont bien développées. Ils peuvent aussi la récolter, et la stocker pour la donner aux troupeaux pendant l’hiver.

Beta est, en fait, un genre de plantes (de la famille des Chénopodiacées), dont les savants de l’Antiquité grecque et romaine avaient déjà répertorié plusieurs formes cultivées. La blette (ou bette), consommée par les Celtes 2000 ans avant Jésus-Christ, serait l’ancêtre de toutes les formes de betteraves cultivées.

Un aliment de base pour les animaux

La betterave fourragère s’est vu attribuer par les botanistes le nom complet de Beta vulgaris subsp. maritima. L’appellation « maritima » s’explique par le fait que cette plante vivace s’épanouit sur les bords de mer… Elle a constitué en France l’un des aliments de base des animaux d’élevage pendant des siècles. En effet, sa racine charnue et sucrée – blanche, rose ou orangée, selon les variétés – en a fait de tous temps un aliment de choix. On la donnait ainsi aux vaches, mais aussi aux poules, aux chevaux, aux moutons, aux porcs ou encore aux lapins.

Dans la deuxième partie du XXe siècle, la betterave a accusé une baisse d’intérêt en France, concomitante au développement du maïs comme plante à fourrage. « La betterave fourragère avait ce défaut de présenter plusieurs embryons de plante dans la même graine. Conséquences : elle demandait un travail particulier aux agriculteurs et aux éleveurs… Il fallait ôter manuellement les plantes excédentaires, afin de permettre le bon développement de celles laissées en terre ‒ On parle de “démariage” », explique Gérard Deroulers, chef produit betteraves et chicorée pour l’entreprise Florimond Desprez, spécialisée dans la recherche en amélioration des plantes (activité appelée aussi « sélection »). Les sélectionneurs, en favorisant de nouveaux croisements entre des plantes de l’espèce Beta, ont permis la naissance de la betterave fourragère monogerme. En clair, la betterave monogerme a permis qu’une graine contienne un seul embryon de plante. La mécanisation de la culture de cette plante fourragère est alors devenue possible.

Un regain d’intérêt

Ce frein levé, la betterave a entamé un retour en grâce parmi les agriculteurs et les éleveurs. Et c’est-là une excellente nouvelle ! « La betterave est un aliment frais et très riche en énergie. Elle est très appréciée par les animaux, friands de sa racine… Elle présente en plus de hautes vertus digestives », analyse Gérard Deroulers.

Deux autres arguments expliquent l’accélération du regain d’intérêt pour cette plante : sa résistance aux aléas climatiques et ses qualités environnementales. La betterave présente une certaine résistance aux stress climatiques, car sa racine lui permet de supporter les excès météorologiques. Elle assure ainsi un rendement relativement stable aux agriculteurs. Enfin, elle utilise les nitrates présents dans le sol pour se développer, limitant ainsi leur ruissellement dans les nappes phréatiques.

La belle rouge de mon potager

Deux autres betteraves sont bien connues. La betterave sucrière, cultivée pour sa teneur en sucre. Elle est proche de la betterave fourragère d’un point de vue génétique ; c’est d’ailleurs, elle aussi, une plante de la sous-espèce maritima. Cependant, sa racine est toujours blanche. « Pour la betterave fourragère, les sélectionneurs cherchent aujourd’hui à améliorer sa résistance naturelle à certaines maladies, mais aussi à améliorer son rendement. Concernant la betterave sucrière, l’objectif consiste à améliorer la teneur de la racine en saccharose. Car cette plante est utilisée comme source de sucre ou d’alcool ».

La betterave de nos jardins se caractérise, quant à elle, par le beau rouge-violacé de sa racine. Ses feuilles se repèrent aisément : les nervures sont empreintes de rouge également. Elle est d’une sous-espèce différente des deux autres : Beta vulgaris subsp. vulgaris. On l’aime pour ce petit goût sucré, qu’elle partage avec ses deux cousines ! Elle se consomme fraîche ou cuite. Elle est aussi utilisée par les industriels qui la commercialisent conditionnée sous-vide, ou encore qui la transforment pour en tirer un colorant naturel. Dans tous les cas, ce rouge si particulier, vous ne pourrez pas le manquer !

A.G.

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