Cultiver… la présence des pollinisateurs !

Par quel miracle les fleurs donnent-elles des graines et des fruits ? Comment l’agriculture peut-elle jouer efficacement de l’attraction des insectes pollinisateurs vers les fleurs, dont elle est tributaire ? Comment soigner les pollinisateurs qui sont si précieux à nos cultures ? La réponse en quelques lignes, avec l’aide de deux spécialistes !

Histoire commune, bénéfices réciproques

La pollinisation est le moyen de reproduction de nombreux végétaux. Le pollen permet la fécondation d'un ovule et la formation du fruit contenant les graines. Les plantes à graines ont dès lors développé différentes stratégies pour le transport du pollen. Elles peuvent recourir au vent, à l’eau, mais surtout aux animaux pollinisateurs et en particulier aux insectes. Au cours de l'évolution, les végétaux ont donc mis au point des stratagèmes visuels et olfactifs pour les attirer en leur sein. Ces insectes transportent le pollen, à leur insu et alors qu'ils s'en nourrissent, depuis l'étamine (organe mâle) vers les stigmates d'une autre plante (organe femelle). A travers cette intime association, les bénéfices sont réciproques. La fleur offre du pollen et du nectar (tous deux riches en protéines, sucres et vitamines) à l'animal qui permet en retour la fécondation.

Penser un bien commun !

« Pour étudier la relation privilégiée entre les fleurs et leurs pollinisateurs tout au long des saisons, nous faisons une analyse systémique. Nous considérons le paysage dans son entier, l’ensemble des pollinisateurs butinant sur l’ensemble des fleurs », explique Vincent Douarre, chercheur au CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) dans la région Poitou-Charentes. Le lierre offre en effet des fleurs à l’automne, le saule et l’aulne à la fin de l’hiver, tandis que le sorbier et les trèfles fleurissent au début de l’été... La saison où fleurs et pollinisateurs sont les plus abondants est évidemment l’été. Les pollinisateurs appartiennent à plusieurs grandes familles. Les abeilles domestiques sont présentes toute l’année car elles passent l’hiver en colonie, comme les fourmis. Les bourdons, les guêpes et les frelons ne passent pas l’hiver en colonie, sortent quand les jours rallongent. Beaucoup d’hyménoptères sont solitaires, terricoles : ils vivent dans la terre. « Mais les parcelles agricoles sont peu fleuries, en particulier les céréales, et quand elles le sont, c’est seulement à un moment très précis de l’année », s’inquiète le spécialiste. Les forêts, les friches, les prairies, les bordures, les haies, les villages, qui bordent les champs sont plus riches pour les insectes. Il faut donc penser l’espace agricole globalement pour qu’il puisse accueillir et entretenir les pollinisateurs, essentiels. « La question est de savoir comment composer le paysage, comment rendre complémentaires les pratiques, comment mettre en dialogue les acteurs et les aménageurs du territoire (citoyens, collectivités, professionnels, etc). Il s’agit de réfléchir à un bien commun », conclut Vincent Douarre.

Accueillir aux champs les précieux pollinisateurs

« Les avantages réciproques entre les productions de semences, où la qualité et la quantité des graines sont primordiales, et la pollinisation sont multiples. Ils ne peuvent se concevoir l’un sans l’autre », indique Jacques Hacquet, de la FNAMS (Fédération Nationale des Agriculteurs Multiplicateurs de Semences). En témoignent les nombreux partenariats noués entre apiculteurs et agriculteurs multiplicateurs de semences (voir l’article sur BEEWAPI [mettre un lien]). Les pollinisateurs sont déterminants pour la multiplication de semences, que ce soit pour le colza, le tournesol, la luzerne, ou pour les potagères comme l’oignon, la carotte, la chicorée ou le poireau... « Les pollinisateurs nous permettent d’être le premier exportateur mondial de semences ! », s’amuse le spécialiste. Comment aménager les bordures de façon à « cultiver » la présence des pollinisateurs ? Comment préserver certaines fleurs sauvages ? Il s’agit, pour l’agriculteur, et en particulier si une ruche est présente sur la parcelle, d’aménager des « zones refuges », de faucher ou broyer tardivement dans la saison, de privilégier la diversité végétale, de laisser des jachères mellifères, de limiter le travail du sol, comme le labour, particulièrement délétère pour les insectes terricoles, et de réduire les produits phytosanitaires en période de floraison. Ces précautions garantissent une bonne activité des insectes pollinisateurs, et ainsi la montée en graine de nos cultures…
Les hyménoptères ont des yeux à facettes. Si vous faites un geste, une abeille verra cinquante bras. De loin elles voient en noir et blanc ; pour voir les couleurs, elles doivent s’approcher à une quinzaine de centimètres. Comme elles volent à quarante mètres de haut, elles ne peuvent distinguer les fleurs par leur couleur. Mais elles peuvent savoir où se poser au sein de la fleur pour trouver le nectar.
Si tous les insectes pollinisateurs sont des insectes floricoles à la recherche de nectar et de pollen, certaines espèces sont plus efficaces que d’autres. Les hyménoptères (abeilles, bourdons, guêpes, fourmis) regrouperaient 280.000 espèces, dont 8.000 en France et 900 espèces d'hyménoptères floricoles ! Ainsi, toutes ces espèces, notamment les abeilles (dont l'abeille domestique, productrice de miel) et les bourdons, se sont spécialisées dans la récolte du pollen et du nectar pour leur propre alimentation et celle de leurs larves. La disponibilité florale est un paramètre essentiel à leur survie.
La pollinisation est le mode de reproduction sexuée des plantes à graines. Celles-ci regroupent à la fois les angiospermes (plantes à fleurs), pour qui la graine est enveloppée dans le fruit (tomate, rosier, carotte, colza...) et les gymnospermes, dont les graines sont « à nu » (épicea, ginkgo biloba...). Les angiospermes représentent 70% des végétaux connus dans le monde. La plupart des gymnospermes bénéficient d'une pollinisation par le vent alors que les angiospermes font majoritairement appel aux animaux (principalement les insectes).
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