La valeur nutritionnelle sera une valeur ajoutée aux fruits et aux légumes

Daniel Gabillard - Directeur de recherche - VILMORIN

Quel est votre parcours en quelques mots ?

Daniel Gabillard - Directeur de recherche - VILMORIN
Pour résumer mon parcours en quelques points :
  • Formation : doctorat en agronomie option « amélioration des plantes » (INP de Toulouse) ;
  • Sélectionneur dans diverses entreprises pendant une vingtaine d’années ;
  • Un an au CTIFL (directeur d’une station d’expérimentation à Carpentras) ;
  • J’ai intégré Vilmorin en 2004 comme directeur de recherche adjoint. 

En quoi consiste aujourd’hui votre poste ? Quels sont vos principaux objectifs ?

L’entreprise fixe un certain nombre d’objectifs en termes de création variétale. Je suis en charge de mettre en face de ces objectifs les moyens techniques et scientifiques, les budgets, les hommes, etc., pour réaliser au mieux les programmes de sélection. Mon poste actuel de « directeur de recherche adjoint » contient aussi une forte dimension managériale.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Dans le métier de sélectionneur, l’alliance de la théorie et de la pratique, le fait de passer régulièrement de la théorie au concret, au « terre à terre », est vraiment passionnant. C’est un mélange de bureau et de terrain. Le contact avec les hommes est aussi quelque chose de très positif, que ce soit avec les équipes en interne dans l’entreprise (culture, production, commerce, développement, etc.) ou avec les agriculteurs, dont il faut saisir finement les besoins, les désirs. Dans le secteur des plantes potagères, la part « nutritionnelle » et hédonique est aussi bien sûr prise en compte, ce qui ajoute à l’intérêt du métier !

Quelles sont vos « sources » pour l’amélioration des plantes ? Que faites-vous pour les préserver et les régénérer ?

Nous avons à disposition nos propres ressources génétiques que nous maintenons, mais aussi les ressources génétiques en France (banques de gènes conservées principalement par l’INRA mais aussi par des réseaux d’amateurs éclairés) et à l’international. Le travail sur les ressources génétiques est difficile et onéreux car il consiste d’une part à régénérer en permanence une matière vivante dans des conditions précises d’isolement mais aussi à caractériser ces variétés (résistance à la sécheresse, aux maladies, définition de la qualité organoleptique). Nous sommes donc intégrés dans des réseaux pour partager ce travail et les résultats avec d’autres entreprises semencières et les instituts de recherche publique. Nous cherchons tous à accroître le nombre de variétés contenues dans les banques de gènes, car celles-ci nous sont absolument indispensables dans notre activité, c’est pourquoi nous participons et soutenons les collectes de variétés sauvages. Nous utilisons cette variabilité génétique sans l’épuiser.

Qui peut les utiliser ? Sont-elles accessibles à tous ?

Les variétés du domaine public sont accessibles à tout le monde. De plus, depuis la convention sur la biodiversité de Rio en 1992, la réglementation internationale sur les ressources génétiques évolue. On ne peut pas revenir de l’étranger avec des graines dans la poche : il faut avoir l’accord des autorités.

Comment identifiez-vous les attentes de la société ? Comment y répondez-vous dans votre métier de sélectionneur ?

Notre temps de réponse varie de 8 à 30 ans. Nous devons identifier les attentes à 10 ans, avec une marge d’erreur potentielle ! Ce sont des paris en fonction de nos connaissances du marché. Nous avons toujours travaillé sur les résistances aux maladies mais le plan « Ecophyto 2018 » rend ces problématiques brûlantes d’actualité. D’autres maladies vont apparaître du fait de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Nos essais de sélection sont placés dans des conditions de faibles apports en intrants pour pouvoir anticiper les besoins futurs de résistance aux maladies/ravageurs. Par exemple, la mouche du chou et de la carotte ne posait jusqu’ici pas de problème, mais avec la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, ces maladies risquent de réapparaître. Nous travaillons aussi depuis longtemps à l’adaptation des variétés qui résistent au mieux aux aléas climatiques : une carotte, sélectionnée pour la résistance au froid, vient d’ailleurs d’être primée. La recherche répond à d’autres objectifs : la qualité des produits (beauté, goût, arôme) et l’aptitude à la conservation. A plus long terme, la valeur nutritionnelle (antioxydants, vitamines, etc.) est aussi à inclure dans nos projets, comme valeur ajoutée aux fruits et légumes.

Citez-nous quelques exemples concrets d’amélioration végétale

Nous avons obtenu un prix en 2009 pour une variété de betterave résistante à la rhizomanie, une maladie grave due à un virus entraînant une perte de qualité de la racine qui devient non comestible. Les exemples de résistance aux maladies sont innombrables. Nous prenons des variétés traditionnelles trop « sensibles » et gardons leur goût, leur forme, et tout ce qui a fait leur succès, puis nous les rendons plus « résistantes » aux maladies, aux attaques. En tomate, la variété traditionnelle « San Marzano » (rouge vif, forme allongée, prisée pour les sauces et les conserves) a ainsi donné naissance à toute une gamme de variétés ayant les atouts de son parent traditionnel, mais présentant une meilleure résistance. Ainsi, la variabilité génétique n’est pas toujours visible pour le consommateur ! Et inversement : une courgette jaune peut être génétiquement très proche d’une courgette verte...

Comment est financé ce travail de recherche ?

Le financement de la création variétale est lié à la vente de nos produits. Si nous ne pouvons pas protéger les variétés que nous vendons, le travail de création variétale s’arrêtera ainsi que celui de maintien de la diversité de la ressource génétique.

Quel est l’intérêt du Certification d’Obtention Végétale ?

Le COV est un titre de propriété : c’est un des moyens de protéger une innovation. Cependant, une variété protégée est libre d’utilisation à des fins de nouvelles créations variétales.
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