Le mildiou de la laitue, une maladie compliquée à traiter
Lutter contre le Bremia, plus connu sous le nom de mildiou, n’est pas aisé. Ce champignon est en effet très contagieux, surtout sous serre où l'hygrométrie est forte. Dès lors qu’il est installé, les feuilles deviennent impropres à la consommation et les cultures doivent être soigneusement détruites avant tout nouveau cycle. Avec le changement climatique, la pression devient beaucoup plus importante et s’accélère, car la chaleur du sol est propice au développement des champignons.
Il existe quelques fongicides chimiques ou de biocontrôle en préventif, ainsi que des pratiques culturales qui évitent la diffusion du champignon. La sélection reste le facteur clef pour maintenir une production saine de laitue.
Connaître le mildiou pour le combattre
Grâce aux observations des chercheurs, des expérimentateurs et des maraîchers, l’organisme international spécialisé IBEB recense et caractérise les nouvelles souches de Bremia à travers le monde. « Les races sont des isolats (1) virulents qui ont obtenu une carte d’identité par l’IBEB » indique Nelly Guérineau, sélectionneur laitue chez Syngenta. « Cela nous permet de qualifier de nouvelles résistances en vue de l’inscription de nouvelles variétés au catalogue des semences ». Une nouvelle race est généralement officialisée chaque année, pour un total de quarante et une recensées à ce jour, mais tout dépend de l’évolution du Bremia.
Une course contre la montre
« Comme les races de Bremia évoluent très vite, c’est pour nous, sélectionneurs, une course contre la montre » explique Nelly. « Les nouvelles races peuvent casser tous nos efforts de recherche en une seule année » poursuit-elle. « La durée de vie d’une variété inscrite peut être écourtée à cause d’une nouvelle race. Or, un programme d’amélioration prend sept ans et ne peut être modifié en cours de route ».
Croiser les variétés pour contrer le Bremia
Le savoir-faire des sélectionneurs repose sur la recherche des meilleures combinaisons génétiques de laitues. « Après un choix stratégique de parents résistants aux nouvelles races mais aussi d’isolats qui peuvent devenir des races, nous effectuons les croisements manuellement sur les fleurs en serre » explique Nelly Guerineau. « L’idéal est de pouvoir proposer aux maraîchers des variétés issues de combinaisons génétiques différentes pour minimiser le risque de destruction totale en cas d’attaque de mildiou mais aussi d’autres bioagresseurs ».
De la recherche à la production
Quand les variétés sont proches de la commercialisation, elles sont testées en aveugle chez des producteurs. Elisa Gergaud-Soulier est ingénieure CTIFL détachée à la station APREL du Sud-Est. Elle est responsable d’une centaine d’essais en serres et d’une soixantaine en champs. « Chaque année, les variétés récentes de laitues sont testées en comparaison des variétés de référence . Nous analysons le potentiel agronomique des variétés qui nous sont confiées par les sélectionneurs, au regard de leur résistance au Bremia, mais aussi de maladies comme la fusariose ou le virus de la mosaïque inoculé par les pucerons . Nous fournissons chaque année aux producteurs des préconisations régionales, réactualisées selon les créneaux de plantation, le mode de production (abri ou plein champ) et le type de salade ».
Pour continuer à manger de la salade…
Invisible aux yeux des consommateurs, le travail des sélectionneurs est long et « peut relever de la boule de cristal » selon les termes de Nelly Guérineau, « quand il s’agit de choisir les géniteurs ». Les variétés de salade changent généralement tous les trois ans et la recherche ne s’arrête jamais. L’amélioration variétale est donc un facteur clef pour cultiver de manière durable la salade.
(1) Un isolat est une espèce ou une population isolée génétiquement du reste du monde.
Marie Rigouzzo