Une prairie riche en protéines, c'est du lait et de la viande de qualité

Vincent Béguier, Directeur de recherche - Ets Jouffray-Drillaud

Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier de sélectionneur?

Vincent Béguier, Directeur de recherche - Ets Jouffray-Drillaud
L'observation des plantes, les voir pousser au long de l'année. Ce métier consiste à scruter plusieurs milliers de plantes fourragères individuelles dans ce que l'on appelle des pépinières. On observe de petites touffes d'herbe et on choisit les meilleures, celles qui résistent aux maladies, qui poussent bien. C'est un travail d'extérieur principalement avec très peu de bureau.

Comment vous vous situez par rapport aux attentes de la société ?

C'est un métier de longue haleine : du départ de la sélection à la mise en marché, il faut 20 ans ! Il faut savoir prendre du recul, percevoir ce que l'utilisateur voudra dans 20 ans ! En tant que sélectionneur, je me sens une responsabilité vis-à-vis de la société. Il y a 2 siècles, 80% de la population était dans les champs, aujourd'hui il en reste 5%. Il y aura toujours besoin de se nourrir, il faudra toujours des agriculteurs pour produire et des personnes autour de lui pour mettre à sa disposition des plantes améliorées pour répondre à des besoins nouveaux.

Concrètement, quel est votre rôle vis-à-vis de l’environnement et de la qualité des produits ?

Indirectement nous allons jusqu'au consommateur à travers l'animal qui consomme nos variétés. La prairie est la ressource de nourriture pour les animaux la plus propre pour l'environnement, car elle demande peu de produits extérieurs. Pour que cette ressource soit durable, nous travaillons à la rendre compétitive. Une prairie riche en protéines a un impact non seulement sur la qualité du lait et de la viande, mais aussi sur la rentabilité du système fourrager de l'agriculteur.

Les sélectionneurs jouent-ils un rôle dans la préservation de la biodiversité ?

Oui, les sélectionneurs jouent un rôle essentiel. La sélection fourragère date de quelques dizaines d'années. Jusqu'à la fin des années 1980, elle consistait à prospecter et à évaluer quels écotypes sauvages convenaient à la culture. Notre entreprise est membre de l'Association des Créateurs de Variétés Fourragères, au sein de laquelle coopèrent l'INRA et les établissements privés. Dans cette association, nous participons au maintien des collections en ressemant régulièrement ces graines pour qu'elles restent vivantes. Le recensement de populations sauvages et leur préservation est un énorme travail d'identification, de distinction et de classement. Cela permet d’introduire dans les nouvelles variétés des gènes de résistance aux maladies, aux parasites et aux stress climatiques, bien adaptées aux conditions de notre pays. Qui d'autre que nous le ferait ?

Comment vos travaux de recherche peuvent-ils être financés ? Y-a-t-il une propriété intellectuelle sur les plantes ?

En Europe, avec le Certificat d'Obtention Végétale, chacun peut utiliser une variété inscrite au catalogue officiel dans un schéma de sélection sans rien devoir à son obtenteur. Cela provoque une émulation sans que l'on puisse s'accaparer le vivant. De plus, le consommateur est protégé car pour inscrire une variété il faut prouver aux pouvoirs publics qu'elle est différente et qu'elle apporte un progrès par rapport aux autres. Tout ce progrès est mis à disposition en contrepartie d'une royaltie dont le montant est modeste au regard du prix de la semence. Ce système fonctionne bien ; il engendre des progrès constant et importants.
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