Les végétaux fermentés : « ni cuits, ni crus »

Très à la mode, les produits fermentés envahissent nos magazines et nos blogs « cuisine » ou « naturopathie ». Moins connus que les produits laitiers fermentés, les végétaux sont pourtant eux aussi aptes à la fermentation. A part la choucroute et les olives, les occidentaux connaissent encore très peu ce mode de conservation, « ni cuit, ni cru », des végétaux.

Un procédé de conservation depuis plusieurs millénaires

Les fermentations ont été utilisées de manière empirique depuis des millénaires, que ce soit pour produire du vin, des vinaigres, du pain, des fromages et des végétaux fermentés, mais le procédé en lui-même n’a été compris qu’au XVIIe siècle.

« La fermentation, c'est la transformation des aliments par des micro-organismes, en l'absence d'oxygène. Elle permet de conserver les aliments à l’air ambiant sur plusieurs années. Elle agit sur leur goût, leur texture et leur qualité nutritionnelle » définit Sylvie Lortal, directrice de recherche à l'Inra. Cette chercheuse s’est intéressée aux végétaux fermentés après avoir travaillé sur les produits laitiers fermentés.

Utiliser toute la diversité des végétaux

En Occident, on connaît bien la bière (houblon et céréales germées) et les produits lactés fermentés (fromage, yaourts). En Afrique, l’igname et le manioc se consomment fermentés, mais c’est en Asie que l’on trouve une véritable culture de végétaux fermentés (miso, kimchi…).

Pratiquement tous les végétaux peuvent être fermentés (les céréales, les légumes, les fruits) et presque tous les organes (tiges peu fibreuses, fruits, feuilles, racines…). Dans les légumes, on retrouve le chou, l’olive et les cornichons, mais aussi les haricots verts, les carottes, les tomates, le radis, l’oignon… les fruits comme le melon ; les prunes, les cerises, pommes et poires sont de bons candidats, tout comme toutes les céréales (blé, maïs, orge, avoine, riz…). Idéalement, il faut privilégier les variétés de fruits et légumes qui contiennent un maximum de fibres et peu d’eau. Les herbes ou feuilles aromatiques sont également fermentables. Une exception notable : la pomme de terre qui ne se prête pas à la fermentation.

On les consomme comment ?

« Les végétaux fermentés peuvent être consommés comme condiments ou comme sauces aromatiques. Ils peuvent être aussi proposés sous forme de pâtes, de bouillie ou de poudres. Ils complémentent et diversifient le régime alimentaire quotidien. Ils permettent aussi d’étaler la consommation en hors saison de manière naturelle » explique Sylvie Lortal.

Pourquoi un tel engouement ?

La fermentation est une méthode ancestrale, qui fait écho à la recherche de produits « authentiques », plus naturels, par les consommateurs. Les livres pour faire ses bocaux de végétaux sont de plus en plus nombreux, tout comme les blogs et réseaux sociaux spécialisés.  De nombreuses petites unités de transformation locales voient le jour. La France était en 2017 championne européenne du nombre de produits et boissons avec l’allégation « produit fermenté ».

Mais les végétaux fermentés sont de nos jours moins plébiscités pour leur aspect « conservation » que pour leurs promesses « santé ». « Les aliments fermentés sont des aliments vivants. Ils contiennent des micro-organismes bénéfiques qui vont interagir avec notre système digestif. Il y a donc des actions mais c'est un champ de recherches, ajoute Sylvie Lortal. Les allégations santé ne sont pas encore prouvées scientifiquement. »

Des vertus médicales sont souvent avancées, comme le renforcement du système immunitaire, le ralentissement du vieillissement de la peau, une action contre le cholestérol, le diabète et certains cancers. Certaines enzymes sont en effet connues pour avoir des effets positifs, mais souvent à haute teneur. Les végétaux fermentés sont donc davantage une source de diversification pour une alimentation équilibrée.

Plus de vitamines et de minéraux

Si la fermentation n’a pas tous les avantages santé compilés dans beaucoup de sites, elle augmente néanmoins réellement la valeur nutritionnelle des aliments. « L'étendue de cette amélioration dépend de l'écosystème qui se développe sur le légume. Celui-ci dépend notamment des pratiques culturales et du mode de conservation du végétal » recommande Sylvie Lortal.  

Grâce à la fermentation, les nutriments intéressants peuvent être mieux assimilés. « Cette biomasse microbienne vivante apporte des enzymes qui n'étaient pas présentes au départ. Ces enzymes peuvent améliorer la disponibilité et la digestibilité des éléments nutritifs » indique la chercheuse.  « Par exemple, ces micro-organismes sont capables de dégrader des phytates, des enzymes qui piègent les minéraux et les rendent moins disponibles. »

Les végétaux fermentés sont donc une nouvelle façon, simple et bonne pour la santé, de profiter de la diversité des fruits et légumes.

Marie Rigouzzo

Le kimchi est un mets traditionnel coréen composé de piments et de légumes fermentés, c'est-à-dire trempés dans de la saumure pendant plusieurs semaines. Un des plus connus en Europe est celui à base de chou chinois. De nombreux bénéfices santé lui sont attribués : il réduirait le cholestérol, renforcerait le système immunitaire, ralentirait le vieillissement grâce aux antioxydants présents et préviendrait du cancer.

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