L'agroforesterie, on a tout à y gagner !

Au Gaec (Groupement agricole d'exploitation en commun) Gachet-Bouère, des arbres ont poussé dans les cultures puis dans les prairies. Jean-Robert Gachet et son fils Arnaud ont déjà planté près de 700 arbres sur 20 hectares. Et ce n’est pas fini !

Du blé et de la luzerne sont cultivés dans cette parcelle agroforestière de 10 ha, plantée par Jean-Robert Gachet en 2013. Son fils Arnaud prend la relève. © Sabine Huet

Je veux laisser des arbres pour les futures générations.” C’est avec cette motivation que Jean-Robert Gachet, producteur de lait (1) à Jallais (Maine-et-Loire), s’est lancé dans l’agroforesterie. “Après avoir détruit des haies lors de l’aménagement foncier de 1985, on replante des arbres”, sourit-il. Sur une parcelle de dix hectares, il a planté 330 sujets il y a dix ans : chêne rouvre, cormier, alisier, érable et orme champêtres, charme, châtaigner, tilleul, poirier et pommier sauvages. Des essences locales bien adaptées aux conditions de sol, de pousse rapide pour la plupart et offrant à terme une valorisation en bois de chauffage ou bois d’oeuvre. “Diversifier les espèces est intéressant pour limiter les risques, certaines se sont moins bien développées, d’autres n’ont pas résisté aux années sèches ou ont été attaquées par la chenille Cossus gâte-bois (2).” Aujourd’hui, les arbres hauts de 6 à 8 mètres cohabitent avec des cultures de blé et de luzerne. Et tout se passe bien !

Des arbres dans les prairies

L’aventure étant satisfaisante, l’éleveur a planté les mêmes essences sur deux autres parcelles de 5 ha chacune en 2019 et 2021 (3). Dans des prairies cette fois. Il a été encouragé par son fils Arnaud, 32 ans, actuellement salarié sur la ferme, qui prendra la relève de ses parents en septembre prochain. Avec une licence en environnement et plusieurs expériences dans le domaine, Arnaud est convaincu par l’agroforesterie. “L’agriculteur est le premier gestionnaire de l’espace naturel. En maîtrisant le parcellaire, nous avons un impact positif sur la biodiversité, le stockage de carbone et nous préservons le paysage”, explique-t-il. Il ne tarit pas d’éloges sur l’association des arbres avec cultures ou prairies. “Il y a plus de biomasse produite à l’hectare en agroforesterie que sur des parcelles séparées. Grâce au système racinaire des arbres, l’eau s’infiltre mieux et les minéraux remontent de la roche mère. Les cultures sont protégées du vent et l’évapotranspiration est moindre. L’érosion est limitée dans les terrains en pente. Les arbres servent de corridor et de refuge pour la faune.” Il sait à quel point l’ombrage et les quelques degrés en moins l’été dans les prairies seront à terme profitables pour le troupeau.

Un peu de travail en plus

Les plantations ont été alignées tous les 26 mètres de manière à permettre le passage des machines agricoles entre les rangs. “L’agroforesterie ne perturbe pas le travail dans les parcelles.” Question rendement, les éleveurs n’ont pas constaté de baisse. En revanche, le projet réclame du travail supplémentaire. D’abord, la plantation qui s’organise en chantier collectif de bénévoles. Ensuite, l’arrosage nécessaire les premières années pour assurer la reprise. Dans les prairies, des clôtures ont été installées pour éviter que les vaches mangent les bourgeons ou se frottent contre les jeunes plants. “Les arbres délimitent les parcelles de pâturage. Il faut juste doubler les clôtures.” Enfin, une taille doit être réalisée chaque année. “Comptez une demi journée par parcelle les premières années, un peu plus quand les branches sont plus hautes.” Mais pour Arnaud, quand on aime, on ne compte pas. Il a d’ailleurs en projet de planter une autre prairie de 5 ha.

Sabine Huet

(1) Les vaches du Gaec Gachet-Bouère produisent du lait pour la marque “C'est qui le Patron ?!” (alimentation sans OGM, sans huile de palme et avec 120 jours de pâturage minimum dans l’année) et sous le cahier des charges Bleu-Blanc-Coeur (lait naturellement riche en oméga 3 par le pâturage ou par l'apport de tourteaux de lin).


(2) Le Cossus gâte-bois (Cossus cossus), également appelé ronge-bois, est une espèce de lépidoptères (papillons) de la famille des Cossidae, originaire d'Europe. C'est un gros papillon de 7 à 8 cm d'envergure qui vole de juin à juillet, dont la chenille xylophage se développe dans le bois du tronc et des branches de plusieurs espèces d'arbres fruitiers et d'autres essences forestières ou rivulaires (aulnes, saules) (source Wikipedia).

(3) Les plantations sont subventionnées à hauteur de 80% par l’Europe et la région Pays-de-la-Loire. Mission bocage accompagne les projets de plantation en assurant l’administratif et l’appui technique.
 

Une belle haie bocagère borde la prairie agroforestière où broutent les vaches laitières du Gaec Gachet-Bouère. “Elle a été plantée en 1988 et recépée en 2008”, explique Jean-Robert Gachet. Le bois récolté est valorisé par la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) Maine-et-Loire Bois énergie, clé de voute de la filière locale d’énergie renouvelable du département. La commune de Beaupréau-en-Mauges dispose de plusieurs chaufferies collectives alimentées au bois déchiqueté issu du bocage. Un réseau de chaleur dessert une résidence senior, des logements collectifs et des bâtiments communaux. À Jallais, la chaufferie collective alimente la maison de retraite. Un plan de gestion du bocage est en place pour exploiter, valoriser les haies et fournir ce circuit court en bois énergie. “La vente du bois couvre les frais de broyage et de transport, on ne gagne pas beaucoup d’argent mais on participe à un réseau local d’énergie renouvelable.”

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