Euro 2016 : le gazon en question

Jean-Marc Lecourt - Président de la SFG (Société française de gazon)

L’Euro de foot a débuté il y a quelques jours. Et la polémique n’a pas tardé à suivre… Les matchs ont permis de révéler que 3 stades présentaient un gazon « déficient ». Or, la qualité du gazon est décisive dans la conduite du jeu… Explications avec Jean-Marc Lecourt, président de la SFG (Société française des gazons).

Jean-Marc Lecourt - Président de la Société française de gazon © SEMAE

Les sportifs ont été mis en difficulté par un gazon qui manquait de tenue sur 3 stades différents. Comment expliquer cela ?

C’est très simple, en réalité. On constate une inadéquation entre le sol de ces 3 stades (Lille, Marseille et Nice) et le gazon qui a été plaqué dessus. Il y a des règles techniques très précises à respecter dans le choix du gazon (espèces, variétés…) et dans son implantation (substrat de culture, temps d’enracinement…). Ces règles n’ont, à priori, pas été respectées pour ces 3 stades, entraînant les désagréments que nous avons tous pu observer.

Les conditions météorologiques ne sont donc pas en cause ?

Pas du tout. Pour preuve, les autres stades comme ceux de Saint-Etienne et de Toulouse ont donné pleine satisfaction aux joueurs. Seulement, ces stades ont été gérés par les jardiniers des équipes françaises en place, qui ont respecté l’intégralité des règles et qui connaissent leurs enceintes. Il n’y a pas de secret : semer et entretenir un stade pour une compétition, cela demande un vrai savoir-faire !

La polémique a mis en lumière le rôle stratégique du gazon…

On ne pense pas au gazon, et pourtant il est essentiel dans un événement de ce type. Il doit faire l’objet d’une vraie réflexion de la part des organisateurs ‒ l’UEFA en l’occurrence ‒, car la surface de jeux est amenée à répondre à de multiples enjeux : être homogène, dense et souple pour ne pas dévier la trajectoire de la balle, ne pas favoriser de blessures articulaires ou musculaires chez les joueurs, et faire un bel effet sur les écrans.

En quoi le choix des plantes à gazon est-il décisif dans l’atteinte de ces objectifs ?

Les plantes présentent des qualités différentes les unes des autres… Pour les terrains de foot, on utilise essentiellement une espèce de gazon, qui s’appelle le ray-grass anglais, en combinaison éventuelle avec une autre : le pâturin des prés. Le ray-grass anglais constitue une espèce que la sélection, c’est-à-dire la recherche en amélioration des plantes, a fait beaucoup évoluer : elle a ainsi gagné en finesse et en densité. Elle a un gros avantage : elle s’installe vite. Quant au pâturin des prés, il résiste très bien à l’arrachement. La surface de jeu se voit fortement malmenée par les footballeurs : semer des plantes résistantes est une nécessité !

Pour des surfaces de jeu moins médiatisées, les organisateurs peuvent aussi choisir de semer de la fétuque élevée. C’est une plante pour l’instant encore moins fine, moins élégante, mais qui a le mérite d’être très résistante.

Les sélectionneurs tiennent donc compte des besoins des joueurs dans leur travail ?

Absolument ! Il y a certaines variétés de ray-grass anglais notamment, qui ont été spécialement créées pour cela. Lors de l’inscription au Catalogue officiel des espèces et des variétés, elles se distinguent par une note de 7 à 9 dans la rubrique « Index sport ». 9 est la note maximale que l’on puisse obtenir.

Quel est l’entretien apporté aux gazons des surfaces de jeu ?

Chaque année, après la saison de jeu, sur de plus en plus de terrains, on scalpe le gazon et on ressème en vue des prochaines compétitions. Cela laisse très peu de temps au gazon pour pousser. D’où la nécessité de choisir des plantes qui vont s’installer rapidement, aidées aussi par des technologies d’optimisation de germination ‒ par exemple, le pelliculage de semences avec des stimulants activateurs de germination.

Pour l’Euro, fait remarquable : les surfaces d’entraînement sont identiques dans leur composition et dans le soin avec lequel elles sont traitées que les surfaces de compétition. C’est une demande des entraîneurs. L’idée est que les sportifs ressentent les mêmes sensations en entraînement que pendant les rencontres. Ainsi, ils ne seront pas déstabilisés…

Tous les soirs, la pelouse sera entretenue : arrosé, tondu et nourri avec un engrais NPK.

Un « engrais NPK », de quoi s’agit-il ?

Azote (N), phosphore (P) et potassium (K). L’azote contribue à donner au gazon sa belle couleur verte. Quant au phosphore et au potassium, ils assurent la santé et la vigueur de la plante.

Au sein de l’organisation, qui est chargé de l’entretien du gazon ?

C’est une personne dédiée : le « référent pelouse ». Il s’agit d’un jardinier, qui a été formé aux spécificités de l’entretien des surfaces de jeu. 
La SFG souhaite la mise en place des formations adaptées, permettant aux stagiaires de découvrir les espèces à gazon existantes, les variétés les plus intéressantes et les règles d’entretien. C’est un métier d’avenir…

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