Malgré la sécheresse, pourra-t-on continuer à cultiver du maïs dans le Sud ?

Alors que les épisodes de sécheresse se multiplient et que les restrictions de l’usage de l’eau sont de plus en plus fréquentes ces dernières années, la culture du maïs est pointée du doigt, surtout lorsque les jets d’eau sont en action dans les champs en plein mois d’août. Alors, faut-il arrêter la culture du maïs au sud de la Loire ?  

©Unsplash-Markus Spiske

Le maïs est à l’origine une plante tropicale

Même si les progrès génétiques ont permis de développer des variétés pour le nord de la Loire, le maïs est d’abord originaire du Mexique, situé sous les tropiques. Il aime donc la chaleur, les sols fertiles, mais aussi l’eau qui est abondante sous ces latitudes. Et c’est sous ce type de climat que les rendements sont les meilleurs.

Pourtant, le maïs ne nécessite pas tant d’eau que cela

Contrairement à l’idée reçue, la consommation d’eau du maïs est, paradoxalement, l’une des plus faibles chez les céréales. Ainsi le blé exige 590 litres d’eau pour produire un kilo de grain, alors que le maïs n’en nécessite que 454 litres. Le hic, c’est que le cycle de croissance du maïs est plus tardif que celui du blé, et l’arrosage du maïs se fait pendant les périodes estivales, celles où les restrictions d’eau sont les plus fréquentes.

L’irrigation en France ne concerne qu’un quart du maïs cultivé

La France, qui dispose de la deuxième ressource en eau d’Europe, n’en abuse pas. Les surfaces irriguées représentent 5% de la surface utile. Et si le maïs représente la moitié de ces surfaces irriguées, ce n’est pas une généralité d’irriguer le maïs. Seul un quart de la production l’est ! L’irrigation est utile car elle stimule la minéralisation du sol l’été, libérant de l’azote directement utilisable par les racines pour une croissance optimale et donc une bonne récolte. La culture irriguée par aspersion s’est développée de manière spectaculaire dans les années 90, et souvent dans des régions sans tradition d’irrigation. L’objectif était d’augmenter les rendements.  Mais désormais, les consommations d’eau doivent être mises au regard de la ressource disponible au moment où elle est prélevée.

Utiliser l’eau de manière plus efficace

En fait, cela fait déjà une dizaine d’années que les rendements des cultures de maïs continuent d’augmenter, alors que les quantités d’eau prélevées diminuent grâce à des techniques d’arrosage de plus en plus performantes et à la sélection variétale.

Economiser l’eau peut se faire de différentes manières : en irrigant de la manière la plus efficiente et ne pas entrer en compétition avec d’autres usages, ou en créant de nouvelles sources d’approvisionnement en eau.

Les techniques d’arrosage « goutte-à-goutte »

Les techniques pour arroser une plante de manière efficiente, au goutte-à-goutte, existent déjà. Le matériel aérien est déjà utilisé, mais c’est un équipement couteux, et gourmand en main d’œuvre. Il faut installer le dispositif rang par rang en stade précoce et le retirer pour la récolte. Il peut être intéressant pour des parcelles de taille moyenne, à condition de bien utiliser des sondes tensiomètres qui mesurent l’hygrométrie pour réguler 24h/24 et 7J/7 les apports d’eau. Sinon, la consommation d’eau sera quasi la même en aspersion ou en goutte-à-goutte pour répondre aux besoins les plus efficaces du maïs. C’est ce que montrent les expérimentations de l'Institut technique ARVALIS-Institut du végétal  dans une vidéo.

Les agriculteurs américains ont adopté depuis 20 ans des systèmes enterrés, qui nécessitent un investissement de base encore plus important, mais qui permettent d’homogénéiser parfaitement la diffusion d’eau et de fertilisants liquides si nécessaire. Ces équipements sont automatisés, couplés à des tensiomètres. Cette méthode est encore très confidentielle en France.

La récupération d’eau

L’irrigation peut aussi s’organiser autour du retraitement d’eaux usées ou de stockage d’eau de pluie dans des bassins de rétention.

Contrairement aux agriculteurs israéliens par exemple, les producteurs français ne semblent pas encore prêts à retraiter des eaux usées pour irriguer leurs parcelles. Seulement 0,2 % d’eaux usées sont traitées en France, contre 8 % en Italie, 14 % en Espagne et plus de 80 % en Israël.

Le stockage de l’eau dans des bassins de rétention fait, lui aussi, l’objet de polémiques. Pour rappel, le barrage de Sivens prévu pour alimenter les terres agricoles en eau de pluie sans pomper dans les nappes souterraines, a fait l’objet de multiples contestations et d’incidents ces dernières années. Il est aujourd’hui de nouveau discuté. C’est d’ailleurs une demande récurrente des agriculteurs auprès des pouvoirs publics de pouvoir installer des bassins de rétention.  Car l’eau est encore très peu stockée en France, comparé à d’autres pays (de 2 à 3% des écoulements annuels, contre 50% sur l’Ebre par exemple, en Espagne).

Le progrès génétique

Parmi les techniques d’adaptation au changement climatique, le progrès génétique a également toute sa place. Pour le maïs, les agriculteurs ont déjà modifié leur calendrier de production en adoptant de plus en plus des variétés d’hiver pour esquiver les situations estivales où les besoins sont les plus importants. Ce décalage temporel est déjà une réalité pour la plupart des grandes cultures mais le risque de gelée tardive implique de trouver les variétés qui résistent au froid ! D’autres projets portent sur la tolérance au stress hydrique, mais l’amélioration de cette caractéristique est complexe car elle joue sur l’ensemble de la croissance de la plante. Les chercheurs doivent trouver des plantes qui s’adaptent tout autant à des manques d’eau qu’à des situations « normales », voire à des fins de cycle de cultures très humides.

La culture de maïs peut aussi s’installer après une culture de luzerne qui conserve l’eau, en plus de son intérêt pour la restitution d’azote dans le sol.

Faut-il abandonner la culture du maïs ?

Dans la région des Carpates (Slovaquie) qui subit de fortes sécheresse l’été, certains producteurs ont décidé de planter du sorgho pour s’adapter au changement climatique. Si le sorgho est encore méconnu sous nos latitudes, il est pourtant la cinquième céréale cultivée dans le monde, derrière le maïs, le riz, le blé et l’orge. Domestiqué depuis longtemps en Afrique, le sorgho consomme 30% moins d’eau que le maïs et résiste mieux aux sécheresses.

Dans les cas extrêmes de sécheresse, le passage du maïs au sorgho est tentant, mais les rendements sont moindres. Un important travail d’amélioration doit être mené pour rendre cette culture compétitive par rapport au maïs. En France, on trouve du sorgho en région Occitanie, mais de plus en plus vers les Pays de la Loire, là où les éleveurs ont de plus en plus de mal à nourrir leur bétail.

Le maïs conserve de nombreux atouts face au changement climatique

Alors, faut-il arrêter la culture du maïs ? Pas si vite ! Car elle est parfaitement maitrisée en France et fait l’objet de nombreuses recherches pour développer des pistes d’adaptation au changement climatique. L’irrigation est repensée, ainsi que les pratiques culturales et l’utilisation de nouvelles variétés. Et c’est certainement la capacité de progresser sur toutes ces pistes en parallèle, qui permettra de réconcilier les citoyens avec la culture du maïs, en minimisant toujours plus ses impacts environnementaux.  

Marie Rigouzzo

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