Adapter le blé au changement climatique

Entre 1976 et 1990, le rendement du blé a gagné en moyenne 1,8 quintal par an. Depuis, c’est la stagnation ! La génétique ne s’est pourtant pas essoufflée depuis vingt ans et les techniques culturales n’ont cessé de progresser. C’est bien le climat qui est pointé du doigt par les chercheurs et techniciens. Un phénomène mondial que la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, estime durable. Or, pour nourrir des populations croissantes, il est nécessaire de gagner en rendement. De nouvelles recherches génétiques sont nécessaires.

Plus de gaz carbonique favorise la croissance des plantes

Paradoxalement, les rendements du blé, et des céréales en général, devraient augmenter du fait du réchauffement climatique. En effet, la progression attendue d’ici à la fin du siècle de la température terrestre, de 2 à 5°C selon les climatologues, sera essentiellement la conséquence de l’augmentation de la quantité de gaz carbonique de l’atmosphère. Or s’il y a plus de carbone dans l’air, le mécanisme de la photosynthèse s’amplifie. Les feuilles sont plus grandes et plus vigoureuses. L’absorption d’eau et d’éléments fertilisants est améliorée. Les rendements augmentent.

Des risques de coups de chaud pour les grains

«Mais, fait observer, Philippe Gate, de l’Institut du Végétal, il faut également compter avec les accidents climatiques qui peuvent convertir l’effet potentiel positif du réchauffement en un effet négatif ». C’est ce que confirme l’analyse des données climatiques réalisée depuis une dizaine d’années par les chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). Une étude qui montre que les périodes de sécheresse et de canicules sont très préjudiciables à une culture comme le blé, au moment du remplissage des grains notamment, c’est-à-dire lorsque la plante accumule des réserves dans les grains qui feront la récolte.

Des espoirs dans le progrès génétique

«Connaissant les facteurs climatiques limitants sur le rendement du blé, il existe des solutions pour le déplafonner», explique Philippe Gate. Il préconise de semer par exemple des blés plus précoces qui auront moins de risque, en période sensible pour le rendement, d’affronter des périodes de forte chaleur. L’autre piste concerne la sélection variétale. Les différents gènes déterminant la précocité sont bien connus des semenciers. Il s’agira d’améliorer les variétés de blé pour qu’elles supportent mieux la sécheresse ou la canicule.
L'augmentation globale des précipitations, prévue par les modèles climatiques, conduira vraisemblablement à une augmentation de l'humidité de l'air. Conjugué au réchauffement, cela devrait conduire à des situations plus favorables au développement des maladies, telle que la septoriose. On peut également s'attendre, à cause de températures plus élevées, à une pression plus grande des insectes, vecteurs de maladies ou ravageurs des cultures. La création de plantes résistantes aux maladies et aux insectes sera encore plus indispensable !
Avec le réchauffement climatique, l’augmentation des températures et du gaz carbonique, les adventices (plantes concurrentes des plantes cultivées et que l’on appelle couramment «mauvaises herbes») devraient connaître les mêmes avantages de croissance que les plantes cultivées. Jean-François Soussana, directeur de l'unité d'Agronomie de l’Inra Clermont-Ferrand, affirme que sous nos latitudes, les adventices vont être plus envahissantes dans les cultures et que les agriculteurs devront être encore plus attentifs pour empêcher leur développement. Ainsi, dans les cultures semées à l’automne, les jeunes plantes seront davantage en compétition pour leur alimentation en eau avec les mauvaises herbes.
Le paysage agricole français pourrait être chamboulé par le réchauffement climatique. Les cultures vont inexorablement remonter vers le nord : de 180 à 240 kilomètres pour une augmentation moyenne de la température d’un degré, pronostiquent les experts. Ils annoncent du tournesol dans le Bassin Parisien et des oliviers près des rives de la Loire. Les arbres fruitiers, les agrumes de la Côte d’Azur ou de la Corse, grignoteront eux aussi des kilomètres vers le nord. Le réchauffement influera également sur la viticulture : les chercheurs de l’Inra prédisent que les vendanges seront avancées en moyenne d’un mois. Sans compter que le vin sera encore plus sucré et plus alcoolisé.
LG
MD
SM