Couverts végétaux : soigner l'environnement par les plantes

Cameline, Nyger, Moha, Phacélie, … de nouveaux prénoms à la mode ? Non, des espèces végétales ! De celles que l’on voit de plus en plus dans les champs, très souvent associées en mélanges de multiples familles de plantes. Ces « couverts végétaux », parfois fleuris, ne sont pas des cultures de production à proprement parler : les agriculteurs les sèment pour ne plus laisser le sol nu entre deux cultures. 

Phacélie  ©Isabelle Ferrière

Il y a même des couverts spécialisés : faunistiques – des abris bienvenus pour le gibier en plaine ; mellifères - pour diversifier les sources de pollen et allonger la période de floraison disponible pour les insectes pollinisateurs ; des bandes semées sous les pieds de vigne, sous les vergers, etc… A chaque usage, ses mélanges d’espèces différentes.

Les couverts végétaux ne sont, dans la plupart des cas, pas récoltés mais broyés et incorporés dans le sol. Alors, pourquoi se donner tant de mal à les semer ?  Pour protéger l’environnement et bénéficier de leurs bienfaits agronomiques.

Protéger l’eau, et bien au-delà

Ces plantes captent les éléments nutritifs dont elles ont naturellement besoin pour pousser : azote mais aussi phosphore, potasse, calcium, soufre,… qui retournent dans le sol pour alimenter la culture suivante. Parmi les nombreuses espèces à associer dans les mélanges, la famille botanique des légumineuses (luzerne, trèfle, sainfoin,…) est très appréciée des agriculteurs. Cette famille a la propriété de fixer naturellement l’azote de l’air dans les racines - on dit qu’elles « piègent » les nitrates - ce qui est bon pour l’environnement car les légumineuses évitent les fuites de fertilisants vers les nappes phréatiques et les cours d’eau, tout en fournissant un peu d’engrais azoté à la prochaine culture.

Les couverts apportent d’autres bénéfices agronomiques remarquables. Le développement de leur système racinaire structure le sol, ce qui facilite l’implantation et la croissance de la culture suivante. Leur feuillage séquestre du carbone (1 tonne de CO2 par ha !). La couverture du sol par la verdure limite l’envahissement par des mauvaises herbes, ce qui permet de réduire le désherbage de la culture de production. Les couverts peuvent aussi servir d’abris à la faune sauvage (perdrix, lièvre, chevreuil…) pendant l’hiver : la biodiversité se porte bien sous le couvert ! Il existe même un label pour les mélanges spécialement étudiés, Agrifaune interculture®.

En plaine, les couverts végétaux d’interculture (entre deux cultures) sont semés le plus souvent après la moisson, l’été. Ils poussent pendant au moins 2 mois jusqu’à leur destruction. « Le sélectionneur recherche des plantes sensibles au gel pour qu’elles puissent disparaître naturellement en fin d’hiver»  explique Antoine Bedel, spécialiste des couverts végétaux chez Caussade Semences.

La pratique des couverts végétaux ne date pas d’hier. Elle s’est renforcée avec la règlementation qui impose, dans les zones classées « vulnérables » pour l’environnement, de couvrir le sol l’hiver avec des « cultures pièges à nitrates ». Mais aujourd’hui, les agriculteurs les ont largement adoptés sur tout le territoire pour leurs bienfaits agronomiques et environnementaux. Si bien que la règlementation autorise maintenant de récolter les couverts en biomasse à usage énergétique pour la méthanisation, ou en fourrage de secours dans les zones d’élevage, en cas de pénurie liée à un problème climatique.

Toute une technique à maîtriser

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces cultures sont très techniques. Il s’agit de bien les maîtriser pour ne pas les laisser envahir les champs ni gêner la culture suivante. 
Antoine Bedel prend l’exemple des couverts mellifères : « Les abeilles domestiques ne pollinisent que 10% d’une luzernière porte-graine (pour produire des semences de luzerne) ; la préservation des autres espèces d’abeilles est donc primordiale. En implantant des couverts mellifères à proximité, on maintient et préserve les insectes indispensables pour la réussite de la pollinisation de ces productions de semences. »

Les plantes compagnes des cultures

Dans les champs, une nouvelle pratique se développe : le semis de plantes compagnes dans les cultures de production. La culture qui s’y prête le mieux avec succès est celle du colza. Cela revient à semer au même moment le colza avec une ou plusieurs autres espèces complémentaires, choisies de sorte qu’elles ne prennent pas le dessus sur la culture au risque de l’étouffer ou plus tard d’entraver la récolte.
Avec le colza, on choisit des légumineuses telles que la lentille, la vesce érigée, le fenugrec, la gesse ou la féverole, selon la nature du sol. Ces plantes compagnes vont rendre service à la culture : lui mettre à disposition un peu d’azote, aider à étouffer les mauvaises herbes, et même perturber les ravageurs sans nuire à la culture au printemps ni gêner la récolte. L’agriculteur peut espérer un petit gain de rendement, mais surtout, des économies de fertilisants, de traitements herbicides et insecticides.

De plus en plus de CDI : couverts à durée indéterminée !

Il existe également des plantes compagnes qui restent en place plus longtemps que la culture, par exemple des mélanges lentille et trèfle violet qui apportent les mêmes avantages que les couverts précédents. « La lentille disparaît pendant l’hiver, puis le trèfle couvre le sol dès la récolte du colza et peut être exploité en fourrage. L’implantation de la culture suivante se fait directement dans le trèfle violet, on parle alors de couvert permanent » précise Guy Montet, Responsable des Fourragères et Intercultures chez Caussade Semences.

Isabelle Ferrière

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