La Camargue est aussi un territoire façonné par les hommes
L’horizon infini se décline en marais, lagunes, steppes salées, mais aussi en champs, rizières, pâturages, habitations... Les flamants roses côtoient les taureaux d’élevage. Des étendues sauvages contrastent avec un fort degré d’artificialisation, surtout depuis l’endiguement du fleuve et de la mer. Les paysages sont marqués par ces activités humaines : industries salinières, riziculture, tourisme, etc. Les salins de Giraud et d’Aigues-Mortes ont par exemple converti des lagunes en bassins successifs de concentration du sel.
Irrigation et drainage ont favorisé l’agriculture
La terre camarguaise est si difficile à cultiver (sols lourds et salés, tempêtes marines, mistral, etc.) qu’elle est restée longtemps un territoire de chasse et de pêche. L’agriculture ne s’y développe vraiment qu’à partir du milieu du XIXe siècle, avec la construction des digues pour contenir les crues du Rhône et les invasions d’eaux salées. L’augmentation des capacités d’irrigation et de drainage, conjuguée aux atouts de la région (disponibilité en eau douce, ensoleillement, terrain plat), permettent l’extension des céréales, de la vigne ; puis des rizières après la seconde guerre mondiale.
Une production sous label IGP
Après une période faste dans les années 1960, puis de crise dans les années 1980, la production de riz s’est stabilisée. Mais les conditions de chaleur en Camargue sont à peine suffisantes, surtout pour les variétés à grains longs, les plus consommées. Malgré les efforts de sélection du Centre Français du Riz qui cherche des variétés adaptées aux conditions très particulières du milieu, la culture du riz reste une production à risque sur un marché concurrentiel. Ainsi, les producteurs de riz ont décidé de mettre en place un signe de qualité (IGP « Riz de Camargue »), et certains d’entre eux se sont orientés vers une agriculture biologique.
Agriculture en conditions extrêmes !
L’itinéraire cultural du riz est particulier : le climat n'autorise qu'une seule culture par an, semée en avril. Après le semis, la gestion de l'eau dans la parcelle a un rôle déterminant (alternance d’assèchement et de remise en eau en fonction du climat, de l'état du peuplement, des interventions culturales). En cours de culture, les riziculteurs apportent quelques engrais et interviennent selon les besoins contre les mauvaises herbes et les attaques d'insectes. La récolte débute mi-septembre grâce à une moissonneuse-batteuse adaptée aux sols humides.
Le riz, culture n° 1 de la Camargue
Avec environ 20.000 ha, le riz est la production dominante en Camargue. A l’ouest, sur les sols plus sableux, se trouvent des cultures de vigne et d’asperges ; au nord, le maraîchage et une arboriculture irriguée. Dans le sud, les terrains bas sont associés à l'élevage des taureaux et des chevaux. Les terres cultivées couvrent aujourd’hui un tiers du delta.
Maintenir l’équilibre fragile du delta
Grands consommateurs d’eau, les systèmes de culture à base de riz inondé jouent un rôle considérable dans la régulation de l’hydrologie camarguaise au printemps et en été. En apportant de l'eau douce, la riziculture permet de valoriser l’eau nécessaire au dessalement du sol, et de maintenir l'équilibre fragile du delta. Elle joue un rôle de « pivot désalinisant » dans le système de culture et permet l’introduction d’autres espèces dans la rotation (céréales, fourrages, oléo-protéagineux, etc.). La disparition de la riziculture menacerait ainsi l’équilibre écologique de la Camargue, du fait de la « re-salinisation » des terres. L’alternative à la rizière est le marais ou la steppe salée...
Lors des années de sécheresse, les rizières constituent enfin des écosystèmes intéressants pour les oiseaux en quête d’humidité et de points d’eaux.
La production de riz de Camargue est donc assez anecdotique en quantité, mais sa culture contribue à maintenir un territoire totalement unique et assurer son équilibre humain, écologique et économique.