Sécheresse et agriculture : comment les plantes s'adaptent au manque d'eau ?

2016, 2018, 2019… les épisodes caniculaires et de sécheresse se suivent en Europe. Déjà 10 fois plus fréquents qu’il y a cent ans, les pics de température ont un impact global sur la société, et en premier lieu sur l’agriculture. Que se passe-t-il pour les plantes quand l’eau devient rare ?

Sécheresse dans une parcelle de maïs © SEMAE

Une prise de conscience du changement climatique

Aujourd’hui, la cause de ces accidents climatiques fait unanimité : ils sont le signe du réchauffement causé par les concentrations record de gaz à effet de serre. Alors que les pays cherchent des solutions globales, les premiers impacts sont déjà visibles. Déjà, en été, on assiste à une répartition de l’usage de l’eau plus tendue entre les industries, les besoins humains et l’irrigation pour l’agriculture. Les conséquences sont concrètes :  pertes de récolte, baisses en quantité et/ou en qualité des productions, que ce soit en fruits et légumes, en vigne ou en grandes cultures.

Quand les plantes ont, elles aussi, soif

Les plantes, fixées au sol, doivent puiser les éléments nutritifs dans le sol et supporter le climat quel qu’il soit, favorable ou pas !

La plante est naturellement une « pompe » à eau, car elle tire son énergie de la circulation d’eau entre les racines et les feuilles. Plus précisément de la transpiration au niveau des feuilles qui provoque un appel d’eau des racines vers les organes aériens. La plante utilise donc beaucoup plus d’eau qu’elle n’en contient pour se développer. Il lui faut 300 à 500 litres d’eau pour fixer un gramme de carbone. Et surtout, la sécheresse et la canicule sont une double peine pour la plante. Elle doit à la fois se protéger d’une trop grande évaporation, tout en assurant un pompage d’eau plus profond.

La nature a sélectionné des mécanismes de défense

Quand l’eau manque, la plante met en œuvre des mécanismes de défense. Le premier est la fermeture de petites ouvertures situées sous les feuilles (les stomates) qui évitent la transpiration et donc la perte d’eau.  Mais cette fermeture réduit aussi la photosynthèse et donc la croissance de la plante. Si la sécheresse est temporaire, la plante pourra réouvrir ses stomates et relancer le métabolisme général.

Mais très rapidement, les plantes annuelles, comme la plupart des céréales ou des légumes, flétrissent après un stress hydrique fort, et seuls les fruits suffisamment développés vont rester en place. Chez les plantes pérennes, qui vivent plusieurs années, les effets sont souvent plus longs à observer. En effet, elles ont un système racinaire en pivot qui leur permet de récupérer l’eau plus profonde du sol et donc mieux résister aux épisodes courts de sécheresse.

Survivre, s’adapter, mais comment ?

Quelques plantes vont s’adapter sur le long terme, avec l’apparition de modifications génétiques naturelles. Certaines adaptations morphologiques, comme la réduction des feuilles, la diminution du nombre de stomates ou l’augmentation de la masse racinaire vont permettre à des plantes de vivre dans des univers très hostiles comme les déserts. Certaines cultures traditionnelles en sont le témoin.

Des blés qui poussent dans le désert

Quelques populations de blé sont cultivées depuis 5 000 ans dans les zones sahariennes et n’ont pas fait l’objet d’échanges comme dans le reste du monde. Ces blés du Sahara produisent des épis malgré un fort déficit en eau (pluies quasi nulles durant le cycle de végétation et très forte évapotranspiration), mais les rendements sont très faibles. Ces blés sont intéressants pour comprendre les raisons génétiques et anatomiques de cette tolérance à la sécheresse et envisager de nouveaux croisements avec d’autres variétés de blés plus productives.

Des pertes de rendement et une qualité altérée

La sécheresse provoque une maturation accélérée des fruits et légumes, avec des pertes variables selon les possibilités d’arrosage ou d’irrigation et surtout la durée de la sécheresse. Pour les grandes cultures, les chiffres disponibles sont plus précis. Par exemple, en 2018, selon les statistiques du ministère de l’Agriculture, le rendement du maïs avait chuté de 13% par rapport à l’année précédente qui n’avait pas connu de sécheresse.

Les pertes induites sont variables en volume mais aussi en qualité. Pour la vigne, de fortes chaleurs se traduisent par de fortes teneurs en sucre, donnant des vins trop titrés en alcool.

La faune et la flore seront aussi impactées. Des insectes nuisibles peuvent se développer dans de nouveaux territoires et ils seront potentiellement plus agressifs. De nouveaux pathogènes peuvent également apparaître et des plantes qui étaient jusque-là résistantes à des maladies pourraient voir leur système de défense devenir moins efficace.

Marie Rigouzzo

Si les plantes annuelles résistent à la sécheresse en mutant, les plantes pérennes devront leur survie à la capacité de migrer vers d’autres zones. En effet, contrairement à l’idée que l’on peut avoir, les plantes ont la capacité de se déplacer pour coloniser d’autres territoires par leur système racinaire (stolon du fraisier, rhizome du bambou…) ou par leur graine et leur pollen. Certaines graines sont très solides et voyagent avec les animaux et oiseaux, notamment en étant ingérées. Certaines graines flottent et voyagent dans les eaux salées ou les eaux douces. D’autres graines sont légères (comme le pollen) et sont diffusées par le vent.

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