Les variétés hybrides peuvent bénéficier de résistances aux maladies issues de leurs 2 parents

Thierry André - Sélectionneur Tournesol - Soltis

En quoi consiste votre métier et qu’est-ce qui vous plaît le plus ?

Thierry André - Sélectionneur Tournesol - Soltis
Je suis responsable des programmes de sélection de Soltis, donc de l'approvisionnement en variétés de Tournesol des groupes Euralis et Limagrain. Ce métier appartient au domaine de la recherche appliquée, il demande une culture générale allant des disciplines scientifiques de la biologie, de la génétique ou des statistiques jusqu'aux domaines variés de l'agronomie ou encore de l'industrie du machinisme, de l’agroalimentaire, de l’agro-industrie. L'acquisition de connaissances et le transfert de technologies y sont essentiels. Les cibles sans cesse mouvantes et l'obligation d'être compétitif participent également à rendre le métier particulièrement stimulant.

Dites-nous en quelques mots comment le tournesol a-t-il été domestiqué et quel a été son chemin jusqu’à nous ?

Les Amérindiens ont été les premiers sélectionneurs puisque d'un tournesol sauvage essentiellement polyflore et ramifié, ils ont fait émerger cette plante caractéristique à une seule «tête» (capitule) et à plus grosses graines. Les amandes de ces tournesols étaient alors utilisées comme céréale, ingrédient de «gâteaux» en particulier. De plante vivrière, le tournesol fut ensuite adopté en Europe comme plante ornementale, surnommé «Soleil» dans la plupart des langues européennes. Prenant en compte le caractère oléagineux de l'amande, des chercheurs russes ont, au début du XXème siècle, entamé un long et ambitieux travail d'amélioration de la teneur en huile. Ils l’ont fait passer en quarante ans de moins de 30% à presque 60%, teneur en huile parmi les plus élevées dans le monde des graines. Le tournesol est ainsi devenu l'un des oléagineux européens majeurs, même si ses origines ne le destinaient pas à la culture dans les zones les plus froides ou les plus humides. Les sélectionneurs se sont donc ensuite attachés à le rendre plus résistant aux maladies et plus précoce afin de mieux échapper aux parasites. Puis l'hybridation a doté l'espèce de possibilités de progrès supplémentaires, les variétés hybrides pouvant exprimer des résistances provenant des deux parents. Un parasite redoutable comme le mildiou a ainsi pu être neutralisé et, dès les années 1980, le tournesol connaît un essor fulgurant. Aujourd'hui, d'autres challenges sont proposés aux sélectionneurs. Il s'agit principalement de résister à l'orobanche, une plante qui parasite les racines du tournesol, de résister toujours plus aux stress agro-climatiques, d'offrir de nouvelles qualités d'huile, comme la richesse en acide oléique.

Quelles sont vos « sources » pour l’amélioration du tournesol (collections, réseaux, échanges) ? Quel rôle jouez-vous pour préserver la biodiversité existante ?

Nos collections sont constamment enrichies de nouveaux génotypes collectés à travers le monde : populations et hybrides de type « cultivé » acquis par le biais de collaborations avec des Instituts publics ou privés ou par le biais de partenariats avec d'autres semenciers ; écotypes sauvages ou interspécifiques obtenus par ces mêmes réseaux ou dans nos propres programmes de pre-breeding [avant l’hybridation]. Toute cette biodiversité est au bout du compte reversée à la collectivité sous forme de nouvelles variétés enrichies en gènes de résistance ou pour la qualité d'huile et pour le rendement !

Quels sont les principaux objectifs de sélection pour cette espèce ?

Principalement le rendement grainier et le rendement en huile qui lui est associé. Pour l'atteindre, la résistance au stress hydrique, aux maladies et aux parasites (Orobanche, Mildiou, Sclerotinia, Phomopsis, Phoma, Verticillium, etc.) ainsi qu’à la verse [renversement des plantes au sol] sont des passages obligés. Nous recherchons également une bonne auto-fertilité des variétés, c’est-à-dire l’aptitude des variétés à se féconder elles-mêmes, ainsi qu'une bonne attractivité pour les insectes pollinisateurs. La sélection pour de hautes teneurs en acide oléique (intérêt diététique, industriel et pour les biocarburants) constitue aussi une part non négligeable de l'effort de sélection.

Combien existe-t-il aujourd’hui de variétés de tournesol ? Citez-nous quelques exemples célèbres d’amélioration végétale pour le tournesol.

La segmentation très forte des marchés (variétés précoces ou tardives, variétés résistantes à la sécheresse, richesse en huile, résistance aux herbicides, résistance aux parasites) ainsi que l'ouverture à de grands pays du tournesol en provenance d'Europe centrale et de l'est, ont multiplié le besoin en idéotypes différents. Alors que quelques variétés ont pu connaître un succès largement international il y a 20-25 ans (Mirasol, Viki, Albena), les 16 millions d'hectares européens sont composés de plus de cent variétés d'intérêt ! Alors que Soltis proposait à l'inscription pour ses actionnaires une dizaine de variétés par an début des années 2000, ce sont plus de quarante variétés par an qui sont proposées maintenant.
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