Fibres végétales : quels marchés, quelles qualités ?

Marjolaine Rostain - Directrice de l’association AgroComposites Entreprises

Quand les entreprises de la plasturgie et des composites se sont-elles regroupées pour travailler sur les agromatériaux ?

Marjolaine Rostain - Directrice de l’association AgroComposites Entreprises
A partir de 2008, les entreprises du secteur ont commencé à réfléchir à cette nouvelle donne. Elles ont fait un saut significatif en 2010, en se regroupant dans le cluster AgroComposites Entreprises. Leur objectif : concevoir et produire des pièces plastiques et composites à partir de bioressources. A l’heure actuelle, les agromatériaux représentent un faible pourcentage de pièces plastiques présentes sur le marché, même si la demande est très forte. Pour certaines entreprises, ces agromatériaux représentent 100 % de leur chiffre d’affaires, un chiffre qui descend à 10 % quand ces entreprises ne se sont pas créées directement autour des agromatériaux. La contrainte se situe dans la durée nécessaire pour faire homologuer les agromatériaux innovants et adapter le procédé de fabrication en interne. Ces changements prennent du temps.

Certains marchés sont-ils plus dynamiques que d’autres ?

Oui. Je pense notamment au monde des sports et des loisirs, plus facile à aborder. Dans ce secteur, chaque année apporte son lot d’innovations. Les consommateurs sont habitués à appréhender des nouveautés. Les agromatériaux représentent déjà un fort volume de production, du fait de leurs caractéristiques mécaniques très intéressantes. On peut opposer ce monde à celui de l’automobile. Bien que la recherche ait permis de développer des pièces en série dans les voitures, les constructeurs automobiles préfèrent attendre avant de se lancer, probablement par peur au niveau de l’approvisionnement en agroressources. C’est pourquoi certains industriels s’emparent de nouvelles opportunités, comme la récupération des déchets agricoles. En effet, les rafles de maïs ou les coproduits du lin oléagineux, qui constituent des matières premières moins chères et respectueuses de l’environnement, s’avèrent intéressantes pour de nouvelles applications.

Les consommateurs peuvent-ils faire pencher la balance du côté des agromatériaux ?

Le changement sera probablement de leur fait. A ce jour, le grand public commence tout juste à appréhender les notions de développement durable dans les bâtiments et les énergies, et il connaît très peu les agromatériaux. C’est donc grâce aux secteurs les plus actifs, comme le sport, que les consommateurs vont y être sensibilisés. L’univers de l’ameublement et de la décoration participe également à cette sensibilisation, car les agromatériaux ont la côte. Leur aspect plaît. Je tiens à préciser qu’on ne fait pas des agromatériaux uniquement pour leur côté environnemental. Car les consommateurs ne sont pas prêts à payer davantage pour cette unique raison. En revanche, si le produit affiche les mêmes qualités que sa version pétrochimique, voire des qualités supérieures, et respecte en même temps l’environnement, alors oui, le pas peut être franchi.

Vous parlez des qualités des agromatériaux. Quelles sont-elles ?

Pour ne citer qu’un exemple, les fibres naturelles démontrent des propriétés amortissantes, d’intérêt pour les vélos ou les raquettes de tennis. Elles permettent en effet d’atténuer les vibrations. Autre possibilité : remplacer le talc par de la fibre, lors de la fabrication des pièces plastique, permet d’alléger le poids de la structure. Or, il s’agit d’un axe majeur de la recherche chez les constructeurs automobiles : diminuer le poids de la voiture pour réduire les consommations énergétiques ! Ainsi, à chaque agromatériau est associé un intérêt particulier. On les recherche désormais pour eux-mêmes, et non pas pour faire du « bio » à tout prix.

Quelles fibres les industriels prisent-ils pour faire des agrocomposites ?

Quatre types de fibres sont actuellement plébiscités en France : le lin, le chanvre, le miscanthus et le bois. Cela n’implique pas que ce sera toujours le cas. Leur force actuelle repose sur leur facilité d’approvisionnement. D’autres fibres pourraient les supplanter, que ce soit le sisal ou le coco. Mais la question de l’impact environnemental se pose alors : est-ce la peine d’importer une fibre d’Afrique, s’il existe du lin cultivé à moins de 200 km ? Ainsi, le type de fibres utilisé va probablement dépendre de l’implantation de l’industriel et de son bassin d’approvisionnement local. Par ailleurs, certaines fibres possèdent des caractéristiques uniques, comme la fibre de lin qui permet de réaliser des tissus pour des applications composites. Elle bénéficie d’une filière pérenne qui garantit une qualité de fibres homogènes. Les industriels désirent obtenir des fibres homogènes d’années en années. Améliorer la qualité des fibres représente donc un axe de recherche pour les semenciers, car les industriels sont à la recherche de propriétés permettant de garantir un produit fini de qualité.

Parlez-nous du projet Agro DB…

Ce projet se penche sur les propriétés acoustiques et vibratoires des agromatériaux. En effet, nous avons découvert que les fibres naturelles amélioraient les propriétés acoustiques en diminuant les vibrations et en augmentant l’isolation, mais cela n’avait jusqu’alors jamais été quantifié. C’est pourquoi nous avons lancé des tests pour comprendre comment fonctionnent ces propriétés, si elles sont plutôt associées à un type de fibre, à une matrice donnée ou à la forme de l’agromatériau. Les résultats sont attendus pour février 2013, avec des applications soit en isolation, soit en vibration.
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