En amont de la culture du maïs, la production de semences

Avec l’arrivée d’avril, le coup d’envoi des semis de maïs a été donné un peu partout en France. A partir de juillet, les champs des paysages de l’Hexagone vont se colorer de vert, tant le système foliaire de la plante occupe l’espace. Les graines semées par les agriculteurs dans leurs champs ont été produites l’année précédente par des entreprises spécialisées, les entreprises de production de semences, et des agriculteurs un peu particuliers, les agriculteurs-multiplicateurs.

Chantier de castration manuelle dans une parcelle de production de semences de maïs © SEMAE-Philippe Roux

La production de semences de maïs s’organise autour de 2 types d’acteurs clés : les entreprises de production de semences et les agriculteurs-multiplicateurs de semences. Les entreprises passent des contrats avec des agriculteurs spécialisés pour que ces derniers, à partir d’une petite quantité de semences, en récoltent un nombre plus important. La récolte des agriculteurs-multiplicateurs est ensuite nettoyée, triée, contrôlée, traitée et conditionnée dans les usines de l’entreprise de production. Quelques mois après la récolte, elle sera ensuite commercialisée auprès des agriculteurs, qui pourront semer dans leurs champs des plantes de maïs aux débouchés variés.

En France, 1 000 variétés sont inscrites au Catalogue officiel des espèces et des variétés. Le Catalogue décrit toutes les variétés mises en marché, pour que l’agriculteur dispose de toutes les informations nécessaires avant de faire le choix d’une variété plutôt qu’une autre. Chaque variété bénéficie de caractéristiques propres, et sera plus adaptée à l’alimentation animale ou humaine, à la chimie verte (plasturgie…) ou autre traitement industriel (utilisation de l’amidon pour de multiples débouchés).

Le mode de reproduction fixe les règles

Dès l’arrivée du printemps, l’activité de production de semences bat son plein. Celle-ci s’organise autour du mode de reproduction de chaque plante. Le maïs est une plante monoïque. Les plantes dioïques nécessitent un pied mâle et un pied femelle pour se reproduire (c’est le cas de l’asperge ou du kiwi) ; les plantes monoïques, quant à elles, ont des fleurs de chaque sexe sur le même pied. La fleur de sexe mâle chez le maïs est la « panicule » à l’extrémité haute de la plante, sa fleur de sexe femelle est le futur « épi » (forme miniature de l’épi inséré à l’aisselle d’une feuille, qui va se développer après fécondation). Mystère de la nature : le maïs a une forte tendance à l’allogamie… Ayant les deux sexes sur le même pied, il pourrait s’autoféconder. Or, sa panicule féconde généralement les épis femelles des autres pieds.

Comment s’organise alors la production de semences de maïs ? Philippe Vernat, de la coopérative de production de semences Centresem (en Touraine), explique : « Les agriculteurs-multiplicateurs sèment en alternance des rangs avec une variété qui va jouer le rôle de mâle et une variété qui va jouer le rôle de femelle. Mâles et femelles sont des lignées pures”. C’est le croisement de ces lignées qui donne naissance à un hybride”. L’hybride aura un patrimoine génétique fort des qualités de la mère et du père. ».

Une fécondation savamment organisée

D’une variété à l’autre, le pollen contenu dans la panicule mâle a une capacité variable, porté par le vent, à parcourir de la distance. « Dans ce cadre, différents dispositifs de semis sont possibles, fait remarquer Philippe Vernat. On parle essentiellement de dispositif 2/2 (2 rangs femelles encadrés de 2 rangs mâles) ou de dispositif 4/3 (4 rangs femelles encadrés de 3 rangs mâle). Ce dernier est le plus couramment utilisé. ».

Pour s’assurer que les maïs du rang femelle ne vont pas s’autoféconder, on va castrer leur panicule avant émission du pollen. Ainsi, ces dernières ne peuvent qu’accueillir le pollen d’un maïs du rang mâle. Cette opération est très technique… En effet, il faut que l’agriculteur-multiplicateur sème les rangs mâles et femelles de manière à ce que les panicules de rangs mâles soient prêtes à libérer leur pollen au moment où les épis des rangs femelles seront prêts à le recevoir. « La période des castrations est intense et stressante, analyse Philippe Vernat. Il ne faut pas les réaliser trop tôt, car il faut permettre à la plante de se développer. Il ne faut pas non plus que la castration soit réalisée trop tard, car alors il est certain que des autofécondations vont s’opérer. Sur l’épi cela donnerait des étages qui n’appartiennent pas à la variété de plante que l’on cherche à obtenir. Or, la pureté variétale est essentielle pour l’agriculteur qui va acheter les semences… ».

Ce sont les soies de l’épi qui vont guider le pollen au cœur de l’épi et permettre la fécondation. Après cette étape, les épis de maïs vont grossir et jaunir, jusqu’à donner des semences prêtes à être récoltées. Après traitement et conditionnement en usine, elles pourront être commercialisées auprès des agriculteurs. A chaque étape clé, des contrôles de la qualité seront assurés, comme l’impose la réglementation française et européenne.

A.G.

Le contrôle de la qualité des semences et plants commercialisés aux agriculteurs et aux jardiniers constitue une obligation réglementaire : elles doivent donc être « certifiées ». Il s’agit essentiellement de garantir que ces semences sont de la bonne variété recherchée, aptes à germer et saines. D’une espèce à une autre, les contrôles mis en place peuvent prendre des formes très différentes. La raison principale est que les modes de reproduction des plantes induisent des organisations différentes. Comment fonctionne la certification des semences de maïs ?

A chaque étape de la production des contrôles sont réalisés, soit par la FNPSMS (Fédération nationale de la production de semences de maïs et sorgho), soit par le Soc (Service officiel de contrôle et de certification). La FNPSMS organise les contrôles de la qualité dans les champs. Ses techniciens agréés vont vérifier que les exigences stipulées par le règlement technique officiel sont bien respectées. Concrètement, ils confirment que les règles d’isolement et les castrations sont bien suivies. Il constate aussi qu’il n’y a pas de plantes de maïs n’appartenant pas à la bonne variété dans le champ. Cela se repère à la couleur des feuilles, des soies, etc. Quant aux inspecteurs du Soc, ils réalisent un contrôle de 2e niveau : ils s’assurent que les techniciens agréés de la FNPSMS suivent à la lettre les exigences réglementaires.

D’autres contrôles seront réalisés par les experts du Soc… Premièrement, après la récolte (à l’automne et durant l’hiver), des contrôles de la qualité relatifs à la faculté germinative des semences seront effectués dans les usines ; c’est là que les semences sont conditionnées en sacs pour leur commercialisation. Deuxièmement, dans les champs, un an après la récolte. En effet, des échantillons de lots certifiés sont réalisés pendant le conditionnement des semences pour être ressemés au printemps. Objectif ? Etablir la pureté variétale de la récolte passée, c’est-à-dire l’absence de plantes de maïs appartenant à d’autres variétés. On parle de « contrôles a posteriori ». Contrairement à une plante comme le blé par exemple, on ne peut effectivement fixer avec exactitude qu’un an après la pureté variétale d’un lot. Tout simplement, parce que le maïs est un hybride

LG
MD
SM