Coproduits gourmands pour animaux d'élevage...

Tourteau de soja
Tout commence par un industriel qui, produisant du bioéthanol ou du sucre de table, se retrouve avec des déchets (ou coproduits), appelés vinasse ou pulpe de betterave, sur les bras. Qu’en faire ? Plutôt que de payer pour les faire disparaître, l’industriel a soudain une idée lumineuse : peut-être que ses déchets pourraient intéresser quelqu’un ? Et c’est le cas, les fabricants d’aliments pour animaux s’en sont emparés !

Des coproduits de différentes origines

Lors de la production de bioéthanol, seuls les sucres simples des plantes sont utilisés. Les autres composants se retrouvent donc dans des déchets, appelés drêches, vinasses ou pulpes. Ces coproduits sont très recherchés en alimentation animale, car ils présentent des compositions variées, permettant des mélanges intéressants. D’autres coproduits sont également utilisés par les éleveurs. Il s’agit des coproduits disponibles directement sur l’exploitation (pailles de céréales, cannes de maïs, pailles de pois, etc.), des coproduits de retrait des filières fruits et légumes (carotte, pomme, agrume, maïs doux, etc.), ainsi que des drêches de brasserie note [1] !

La pulpe de betterave, idéale pour les vaches laitières

La pulpe de betterave, une fois déshydratée, est utilisée pour nourrir les ruminants, car elle limite les risques d’acidose. Cet aliment, doté d’une bonne valeur énergétique et d’une valeur moyenne en azote, est associé à une bonne digestibilité. « La pulpe de betterave est utilisée dans l’alimentation des ruminants à cause de sa haute teneur en fibres (jusqu’à 25 % de la matière sèche), indique la société Feedimpex qui en produit note [2]. La pulpe a le potentiel de remplacer une part importante de céréales dans les concentrés pour vaches laitières. Il est possible d’incorporer jusqu’à 30 % de matière sèche dans les rations vaches laitières et 50 % pour les bovins viandes. » Cette pulpe est réservée aux animaux ayant des besoins de production importants, précise l’Institut de l’élevage note [1], qui souligne le besoin d’adapter la ration pour éviter le risque de diarrhées. « La pulpe de betterave est aussi adaptée aux porcs : régulation du transit intestinal et meilleure croissance des porcelets », indique le site Internet www.alcool-bioethanol.net note [3].

Attention aux apports en protéines

En plus de l’énergie, les aliments pour animaux doivent également fournir des protéines. Ce qui souligne une faiblesse typiquement française : on ne cultive pas assez de plantes riches en protéines pour l’alimentation animale. La France se trouve dans l’obligation d’importer des tonnages assez importants de tourteaux de soja. Les drêches de céréales, riches en protéines, attirent donc sur elles les convoitises. Elles constituent un aliment complet et équilibré, disposant d’une forte valeur énergétique. Elles sont donc tout à fait adaptées à l'alimentation des bovins viande et lait, et des poulets. « Ce sont des concentrés dont les effets sur les performances des animaux sont maintenant bien documentés et faciles à utiliser en alimentation animale. Il faut néanmoins veiller à ne pas dépasser 5 % de matière grasse dans la ration avec les tourteaux gras », rappelle l’Institut de l’élevage. Ces tourteaux gras sont principalement issus du colza. Ils représentent la partie solide qui demeure une fois que l’huile a été extraite des graines. On en récupère 1,5 kg quand on produit 1 litre de diester note [4]. Les plantes oléagineuses sont également sources de composés d’intérêt, tels que les esters de tournesol, à l’origine des acides linoléiques conjugués (ALC). Ajoutés dans les rations, ils génèrent une réduction du taux de gras des viandes, ce qui permet à l’éleveur d’en obtenir un meilleur prix. Enfin, les drêches de brasserie, dérivées de l’orge, sont recherchées par les éleveurs. Riches en énergie et en azote, elles conviennent parfaitement à l’alimentation d’animaux ayant de forts besoins.

Des pailles et du raisin pour varier les menus

D’autres coproduits végétaux coexistent sur le marché. La pulpe de raisin, extraite de marcs de raisin, est un produit 100 % naturel, séché et broyé, pauvre en énergie et en azote. « Il est riche en fibre et sécurise les rations notamment grâce à son apport de lignine », précise Desialis, société qui en commercialise. Ils sont à réserver aux animaux ayant de faibles besoins. La vinasse de betterave permet quant à elle d’enrichir les aliments composés pour les bovins, les porcs et la volaille. « La vinasse est riche en potassium et comprend environ 3 % d’azote organique transformé, révèle la société Kws note [5]. Il est également intéressant d’utiliser la vinasse comme engrais potassique. Comme le lisier, la vinasse liquide peut être épandue simplement sur les chaumes de blé. » Les coproduits lignocellulosiques tels que les pailles de céréales ou les cannes de maïs démontrent des valeurs énergétique et azotée faibles. Ils intègrent les rations accompagnés d’un complément énergétique. Ils peuvent ainsi être associés aux coproduits de la pomme de terre qui, de leur côté, souffrent d’une faible teneur en fibres.
« La question de savoir si les bioproduits constituent ou non une menace significative à l’approvisionnement alimentaire reste à trancher. L’Association canadienne des carburants renouvelables en est venue à la conclusion qu’il faudrait au plus huit à neuf millions de tonnes de céréales (maïs, blé, orge, avoine, seigle) chaque année pour assurer que toute l’essence utilisée par les Canadiens contient 10 % d’éthanol — bien en deçà des 50 millions de tonnes de céréales habituellement produites par le Canada. En outre, les drêches de distillerie, un sous-produit utile de la production d’éthanol, peuvent être utilisées dans les aliments du bétail. L’importante composante des aliments du bétail provenant de la production d’éthanol représente ce que l’on appelle un « coproduit ». Ainsi, les coproduits sont des éléments importants à considérer dans l’examen des avantages de la bioéconomie. » Notions élémentaires sur les bioproduits, Pollution Probe, 2004
La récupération des coproduits issus de la production de biocarburants permet de réduire les surfaces agricoles cultivées dans l’unique objectif de produire des aliments pour animaux. Ainsi, dans le cas du bioéthanol issu de betteraves, un hectare de ces betteraves génère environ 4,5 tonnes de pulpes déshydratées, soit l’équivalent nutritionnel d’un demi-hectare de céréales. Dans le cas du bioéthanol issu de céréales, un hectare de ces céréales génère 2,8 tonnes de drêches, soit l’équivalent protéique d’un tiers d’hectare cultivé en céréales note [7].
Le glycérol, un coproduit de la fabrication de biocarburant, est plébiscité pour des applications pharmaceutiques et cosmétiques. Une notoriété qui n’est pas partagée chez les fabricants français d’alimentation pour animaux. Or, en Allemagne, le glycérol est largement utilisé par les fabricants ou incorporé directement dans les rations de gros élevages. Pour Karl-Heinz Südekum, de l'université de Bonn en Allemagne, le glycérol détient en effet certains avantages non négligeables : il représente une source d’énergie rapidement métabolisable qui peut remplacer une autre source de glucides aux propriétés identiques (comme le blé), un stabilisateur de la qualité sanitaire en empêchant le développement de moisissures et un produit appétant du fait d’un goût très sucré, ce qui peut permettre d’augmenter l’ingestion totale. Les essais menés en alimentation animale révèlent que le glycérol pourrait être incorporé à hauteur de 5 % dans les rations pour les porcs et volailles, un chiffre qui passe à 15 % pour les génisses note [6].
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